Actuellement en tournée pour la promo de sa bande-dessinée Onibi, l'Atelier Sentô passe ses journées dans des TGV bondés et ses nuits dans des hôtels luxueux. Les rêves de gloire et d'argent leur ont-ils tourné la tête ? Ont-ils à jamais oublié la création de jeux vidéo ? Non, car on peut créer des jeux partout et avec tout le monde. Il suffit que l'occasion se présente…
A Nantes, le mois dernier, les planches originales de notre bande-dessinée Onibi étaient exposées à la Maison de l'Erdre sur l'île de Versailles dans un magnifique pavillon d'inspiration japonaise. En complément de cette exposition, on nous a proposé un workshop de deux jours au Pôle des Arts Graphiques de la Joliverie, un lycée privé. L'occasion était trop belle : on a tout de suite réfléchi à la possibilité de créer un petit jeu vidéo.
Souvent les ateliers qui nous sont proposés concernent des enfants très jeunes, ce qui exige de prendre garde aux thèmes abordés. Mais avec des lycéens, nous avions nettement plus de liberté. Nous avons donc décidé de rendre hommage aux histoires de fantômes japonais que nous aimons tant. Nous avions déjà abordé ce thème lors du dernier Inktober (un dessin par jour pendant tout le mois d'octobre) et cela nous avait bien amusé de gribouiller des choses horribles.
Quand nous dirigeons un atelier, nous mettons l'accent sur la partie graphique : création des personnages et décors puis leur intégration dans le jeu. Deux jours (c'est-à-dire une douzaine d'heures), ça reste court pour créer un jeu de A à Z. Nous préparons le scénario et la programmation à l'avance de sorte à arriver le jour J avec un prototype fonctionnel. Il nous faut donc réfléchir à l'histoire que nous voulons raconter. Puisqu'il s'agissait d'une collaboration avec des lycéens, il nous paraissait intéressant de choisir une adolescente comme personnage principal. Le cinéma japonais contemporain regorge de ces histoires d'amours adolescents qui basculent dans le fantastique, comme par exemple dans la belle adaptation filmée de la licence Project Zero par Mari Asato.
Pour ce qui est de la technique, à chaque fois que nous faisons un jeu en atelier, nous utilisons Unity et son plugin Adventure Creator. Pourquoi Unity ? Parce qu'il permet d'exporter les jeux en html5 et d'y jouer directement sur navigateur. Les participants à nos ateliers sont parfois très jeunes et souvent peu familiers des jeux vidéo et il est important que le produit fini soit le plus accessible possible. Adventure Creator, quant à lui, offre une série d'outils simplifiés pour créer un point&click. Avec son système d'actions à sélectionner et à relier entre elles, il permet de créer un jeu sans taper une seule ligne de code. Idéal pour nous car cela va nous aider à créer un prototype très rapidement.
Lors des précédents ateliers, nous avions créé des jeux en vue de profil, la parallaxe (défilement des plans à une vitesse qui dépend de leur éloignement) donnant l'illusion de la profondeur. C'est une technique adaptée au travail en groupe : chacun dessine un ou plusieurs éléments (un arbre, une maison, un buisson, …) qui, par leur accumulation, forment un paysage complet.
Mais cette fois, on voulait faire quelque chose de différent. Inspirés par quelques jeux que nous adorons (par exemple Little Party de Turnfollow et Sacramento de Dziff), nous avons choisi de faire de ce projet notre premier jeu en 3D ! Alors par contre on ne s'est pas mis à la modélisation pour autant. Nous avons juste prévu d'intégrer des dessins en 2D dans un espace en 3 dimensions. La caméra sera placée derrière le personnage et suivra son déplacement. C'est le genre de plan dont nous raffolons au cinéma depuis le magnifique film Elephant de Gus Van Sant. On espère ainsi créer une vraie immersion, la sensation d'entrer littéralement à l'intérieur d'un dessin à l'aquarelle.
Il nous a fallu quelques jours pour nous familiariser avec le fonctionnement de la partie 3D de Unity mais heureusement le logiciel est assez intuitif. Nous avons dessiné les éléments de notre jeu de manière très simplifiée et les avons répartis dans l'espace jusqu'à créer un début de décor. C'est amusant de planter ça et là des arbres, des maisons, des lanternes et voir aussitôt se créer un minuscule village japonais, semblable à ceux que nous avons explorés. En déplaçant la caméra, nous avons l'impression de nous y promener et, pour un premier essai, c'est déjà une petite victoire !
Le temps presse : il faut partir pour Nantes. On fignolera un peu dans le train mais déjà on a un prototype jouable avec une partie des dialogues et même une énigme finalisée. Bien assez pour montrer aux élèves afin de leur donner une idée et les guider lors de la réalisation des graphismes. Mais cela, nous l'aborderons le mois prochain...
Fil d'actualités
Sommaire
- Partie 1 - Présentation d'Atelier Sento
- Partie 2 - Premiers pas et prototype
- Partie 3 - Souvenirs d'Okinawa
- Partie 4 - Présentation du moteur Wintermute
- Partie 5 - Gérer les acteurs dans Wintermute
- Partie 6 - Guider le personnage
- Partie 7 - La mise en place des décors
- Hors série - Les jours où ça n'avance pas !
- Partie 8 - L'enregistrement des sons
- Partie 9 - Les énigmes
- Partie 10 - Les musiques
- Partie 11 - Communiquer en s'amusant
- Partie 12 - Un jeu made in tout le monde
- Partie 13 - Dans 60 ans...
- Partie 14 - Le scénario
- Partie 15 - L'intégration des personnages
- Partie 16 - Le regard des joueurs
- Partie 17 - Les variables
- Partie 18 - La traduction anglaise
- Partie 19 - En route pour 2016
- Partie 20 - Un chat pas comme les autres
- Partie 21 - La gestion de l'inventaire
- Partie 22 - La création de cutscenes
- Partie 23 - Faire bêta-tester son jeu
- Partie 24 - Interview de Nick Preston
- Partie 25 - Interview de Thorn
- Partie 26 - Anatomie d'une scène : l'idée de départ
- Partie 27 - Anatomie d'une scène : l'énigme
- Partie 28 - Anatomie d'une scène : le croquis
- Partie 29 - Rencontre avec le studio Ernestine – 1ère partie
- Partie 30 - Rencontre avec le studio Ernestine – 2e partie
- Partie 31 - Du papier à l'écran
- Partie 32 - L'école des fantômes
- Partie 33 - Développer un jeu avec des lycéens
- Partie 34 - Faire connaître son jeu
- Partie 35 - Sur les routes de France
- Partie 36 - Éloge des gribouillis
- Partie 37 - Un jeu dessiné par des enfants
- Partie 38 - La naissance d'un projet
- Partie 39 - Mélanger 2D et 3D
- Partie 40 - Adventure Creator
- Partie 41 - Designer des personnages
- Partie 42 - The Doll Shop
- Partie 43 - Donner de la profondeur
- Partie 44 - Des personnages en kit
Les sorties du moment
Il n'y a pas grand chose qui sort ces jours-ci... ou alors on n'a pas encore rempli le calendrier, et ça ne devrait pas tarder !
Comments
Salut les Sentô !
C'est toujours un plaisir de lire votre article mensuel.
Je savais déjà que vous êtes fort en fantômes car j'ai lu votre BD "Onibi", et là aussi ça se voit, et ils font bien peur !!! Ça à du plaire aux ados ?
J'aimerais vous poser deux questions : déjà, votre façon d'aborder le décors en 3D et en aquarelle c'est, comme vous nous le dites, avec des aplats (des éléments de décors en 2D) disposés dans un espace en 3D. Donc quand le personnage avance, pénètre dans le décors, il voit les éléments du décors devenir tout plat comme une feuille de papier. Un peu comme dans le jeu "Tengami" ? L'image que vous mettez d'un temple avec des arbres et un portail, me donne cette impression.
Et deuxième question, vous nous dites que pour l'atelier avec les ados vous avez préparé le scénario et la programmation à l'avance. Donc avec eux, vous partez d'un embryon de scénario qu'il faut étoffer, et ensuite produire les dessins toujours avec la technique de les faire sur papier, et les scanner. Et la programmation faite en avance, vous devez quand même la modifier pour qu'elle colle bien à l'histoire finale ? C'est ça ?
J'espère qu'on aura de droit de voir le résultat ! ça m'intéresse beaucoup...
Coucou TeoM !
1- on fait en sorte que l'axe de la caméra reste toujours perpendiculaire aux éléments de décor. De cette façon, ils sont toujours vu de face, sans déformation. Donc ça ressemble à de la 2D mais l'espace est en 3D et on peut pénétrer à l'intérieur du décor.
2- malheureusement non, sur deux jours on n'a pas le temps de leur faire participer à l'histoire. Il faudrait au moins un ou deux jours de plus.
Là, rien qu'avec les dessins, on a fini tout juste.
Donc on met surtout l'accent sur les techniques de dessin et d'aquarelle. On leur explique nos méthode. Il faut accompagner chaque élève et comme ils étaient plus d'une 20aine, ça prend du temps. Ensuite on leur fait scanner et découper leur dessins puis on les intègre en direct dans le gabarit pour leur montrer le résultat.
On aimerait un jour faire un atelier où on partirait de zéro et où il faudrait commencer par imaginer l'histoire. Mais il demanderait un suivi sur plusieurs séances. Un jour peut-être !
3- Oui, bien entendu tu pourras essayer le jeu. Si tout va bien il sera disponible dans l'article du mois prochain ! On est très contents du résultat. Franchement, ils ont fait du beau boulot !
(et on a aussi fait 2 petits jeu Coral Cave au crayon de couleur avec des enfants de primaire qu'on a hâte de te montrer. Ca devrait te plaire.)
A très bientôt !
Super !
A force de nous montrer vos techniques et résultats, je vais finir par me remettre à mes petits projets avec AGS !!!
En lisant l'article, j'ai pensé un moment que vous aviez changé de moteur sur The Coral Cave
Si un jour vous passez sur le jeu sur Unity, je serai heureux de vous aider
C'est vrai qu'Unity propose des fonctionnalités intéressantes mais, pour l'instant, Wintermute reste plus simple et direct d'utilisation pour nous.
En tout cas, merci pour ta proposition : on n'hésitera pas à te demander si on bute sur un problème !
C'est beau de partager tout ce savoir et votre motivation. Bonne chance pour la suite.
C'est vrai qu'il faut le finir ce petit jeu, maintenant.
Ça prend toujours plus de temps que prévu... Vite, au boulot !
Effectivement, ça donne envie ! (bon, moi, pour l'instant, je reste concentrée sur Wintermute.)
Wintermute a le mérite d'être simple, direct et précis. Unity par contre c'est un milliard de fonctions inutiles (pour nous) donc beaucoup d'arrachage de cheveux pour rien. Sur un petit jeu, ça passe mais sur un gros projet... pas tout de suite !
Je reste toujours aussi fan de cet envers du décor expliqué toujours de manière simple pour que les non-initiés comprennent quand même ! Bonne tournée de promo à vous.
Pages