Pour ce mois-ci, l'Atelier Sentô aborde le thème des cutscenes. Comme parvenir à les réaliser sans être toute une équipe d'animateurs et à moindre frais, c'est le sujet que le duo derrière Coral Cave a décidé d'aborder aujourd'hui.
Un effet de mise en scène
Dans un point & click, le but est d'explorer les décors : la caméra est donc souvent éloignée du personnage pour donner une vue d'ensemble. Cela crée cependant une distance avec le joueur qui peut amoindrir l'immersion. Il faut avouer que certains point & click ne font pas vraiment d'efforts pour améliorer ce point. Combien de fois avons-nous subi ces longs dialogues, imperturbablement déclamés pendant que, à l'écran, les personnages ne sont que de petites silhouettes immobiles ?
A l'opposé, un jeu comme Broken Age a prouvé qu'il était possible de créer un point & click bourré de cadrages expressifs et d'animations variées qui lui confèrent une vraie qualité cinématographique. Bon, il a aussi prouvé que ça demandait beaucoup de temps et d'argent.
Rythmer le scénario
Pour The Coral Cave, notre but est toujours de faire au plus simple. On a évité les longs dialogues à choix multiples (souvent problématiques quand le joueur décide de répondre dans le désordre) mais on ne souhaitait pas pour autant créer un jeu muet. C'est une question d'équilibre : un jeu entièrement visuel demande un travail d'animation phénoménal (voir les créations d'Amanita Design) tandis qu'un jeu trop bavard repose sur le talent des acteurs. On essaie donc de fractionner le scénario en petites cutscenes : de courtes séquences animés, non interactives, qui font régulièrement avancer l'histoire.
La brièveté des dialogues permet de ne pas interrompre l'élan du joueur tout en récompensant sa progression. Les gros plans sur les personnages l'aident à s'identifier à eux. Et pour cause : la Mizuka que contrôle le joueur affiche la même expression déterminée tout au long du jeu. Les cutscenes viennent nuancer ses émotions en fonction des épreuves qu'elle traverse.
Économiser du travail
Mais soyons réalistes : nous ne sommes pas un studio d'animateurs professionnels épaulé par une cohorte d'intervallistes coréens. Cécile est toute seule sur sa table lumineuse pour animer l'intégralité du jeu ! Il faut donc trouver des astuces.
Une animation se décompose en poses clés et intervalles. Les poses clés sont les attitudes principales qui structurent l'évolution du mouvement. Les intervalles sont les attitudes transitoires qui servent à le fluidifier. Pour The Coral Cave, on rogne au maximum sur les intervalles. Le but est d'avoir un minimum d'images par secondes. Juste assez pour que le mouvement soit compréhensible. L'accent est donc mis sur les poses clés qu'on fait durer aussi longtemps que possible. Comme les cutscenes sont courtes, c'est tout à fait acceptable. Le résultat est à mi chemin entre la BD et l'animation : on joue à la fois sur les ellipses et sur le mouvement.
De même, les arrière-plans des cutscenes sont souvent des recadrages serrés des décors du jeu. Là encore, inutile de redessiner un décor si un détail d'un paysage déjà peint fait l'affaire. Cela permet de raccorder le gros plan avec la vue d'ensemble. Bien entendu, ces recadrages ne sont pas en haute définition. Ils sont donc un peu flous. Est-ce un problème ? Non, ça réduit la profondeur de champ pour un rendu très cinématographique !
Toutes ces économies ne sont pas tant la marque de notre paresse. Elles nous permettent de créer de nombreuses séquences animées. Notre but est de varier les situations, dynamiser l'action et constamment surprendre et amuser le joueur.
Fil d'actualités
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Sommaire
- Partie 1 - Présentation d'Atelier Sento
- Partie 2 - Premiers pas et prototype
- Partie 3 - Souvenirs d'Okinawa
- Partie 4 - Présentation du moteur Wintermute
- Partie 5 - Gérer les acteurs dans Wintermute
- Partie 6 - Guider le personnage
- Partie 7 - La mise en place des décors
- Hors série - Les jours où ça n'avance pas !
- Partie 8 - L'enregistrement des sons
- Partie 9 - Les énigmes
- Partie 10 - Les musiques
- Partie 11 - Communiquer en s'amusant
- Partie 12 - Un jeu made in tout le monde
- Partie 13 - Dans 60 ans...
- Partie 14 - Le scénario
- Partie 15 - L'intégration des personnages
- Partie 16 - Le regard des joueurs
- Partie 17 - Les variables
- Partie 18 - La traduction anglaise
- Partie 19 - En route pour 2016
- Partie 20 - Un chat pas comme les autres
- Partie 21 - La gestion de l'inventaire
- Partie 22 - La création de cutscenes
- Partie 23 - Faire bêta-tester son jeu
- Partie 24 - Interview de Nick Preston
- Partie 25 - Interview de Thorn
- Partie 26 - Anatomie d'une scène : l'idée de départ
- Partie 27 - Anatomie d'une scène : l'énigme
- Partie 28 - Anatomie d'une scène : le croquis
- Partie 29 - Rencontre avec le studio Ernestine – 1ère partie
- Partie 30 - Rencontre avec le studio Ernestine – 2e partie
- Partie 31 - Du papier à l'écran
- Partie 32 - L'école des fantômes
- Partie 33 - Développer un jeu avec des lycéens
- Partie 34 - Faire connaître son jeu
- Partie 35 - Sur les routes de France
- Partie 36 - Éloge des gribouillis
- Partie 37 - Un jeu dessiné par des enfants
- Partie 38 - La naissance d'un projet
- Partie 39 - Mélanger 2D et 3D
- Partie 40 - Adventure Creator
- Partie 41 - Designer des personnages
- Partie 42 - The Doll Shop
- Partie 43 - Donner de la profondeur
- Partie 44 - Des personnages en kit
Comments
Merci ! (court, concis, sincère.)
Vraiment très intéressant encore une fois. J'ai un peu l'impression de me répéter à chaque fois, mais j'aime vraiment découvrir l’envers du décor.
Ça nous fait toujours plaisir de recevoir des commentaires et ça nous encourage à continuer. Alors merci !