Test - Leviathan : The Last Day of the Decade

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Rédigé par Helia, publié le 03/05/2014
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Leviathan : The Last Day of the Decade est un jeu épisodique développé par le petit groupe indé russe Lostwood Games qui vient tout juste d’être accepté sur Greenlight. La saga s’obtient en intégralité sur PC ou iOS en anglais pour moins d’une dizaine d’euros, et reste en cours de production pour le moment. C’est donc l’occasion idéale pour plonger dans les noires profondeurs de Leviathan…

Quand cyberpunk et dark fantasy se rencontrent…

Leviathan est un monde dystopique entre le cyberpunk et la dark fantasy, un monde cynique où la noblesse dirigeante est prise dans des conflits de pouvoir sans fin tandis que le bas peuple est rongé par une maladie mystérieuse qui se matérialise sous la forme d’un brouillard épais nommé décade qui recouvre la ville. La vie d’Oliver Vertran, un jeune noble, bascule de manière tragique au moment même de l’apparition du mal avec la mort sanglante de sa famille. N’étant encore qu’un enfant au moment des faits, il lui faudra attendre près de 10 ans pour qu’un indice vienne enfin à lui sous la forme de Kael, son ami d’enfance dont il s’était éloigné, et que démarre enfin sa quête de vérité. Sera-t-il prêt à affronter les terribles secrets que cache le monde impitoyable de Leviathan ? Si le premier épisode, disponible gratuitement sur le site officiel, se contente d’effleurer l’univers en présentant surtout Edna, le démon qui deviendra le familier d’Oliver tout au long de l’aventure, le potentiel de Leviathan se dévoile dès le deuxième épisode avec une trame scénaristique forte et prenante ainsi qu’une grande liberté d’exploration. L’univers est extrêmement fouillé, ce qui permet au joueur à la fois de se laisser guider ou de partir à la chasse aux indices pour essayer de grappiller des informations sur ce qui est arrivé à la famille d’Oliver et chaque révélation apportera encore davantage de questions et de mystères, forçant le joueur à se remuer les méninges.

Un monde envoûtant

Leviathan se présentant sous la forme d’un point & click, le gameplay est plutôt simple mais diablement efficace. Le héros possède un inventaire, un système de téléphone et peut interagir avec des éléments du décor ou des personnages à tout moment. Le reste du temps le joueur se voit confronté à un nombre impressionnant de choix qui vont modeler son expérience et changer le déroulement de l’intrigue, à la manière d’un visual novel. Ces choix sont souvent intéressants car il n’y a pas de bonne ou de mauvaise solution. Par exemple, Oliver est souvent confronté à la différence de traitement entre les nobles et les pauvres qui sont présentés comme des moins que rien qui méritent de crever la bouche ouverte. Il peut rester neutre ou devenir arrogant et les traiter de la même manière que ses compatriotes. De même, il peut se rapprocher des autres personnages de manière intéressée ou désintéressée en manipulant Kael, son ami d’enfance, ou en essayant de séduire Ruth Lautner, une bourgeoise prétentieuse mais incroyablement riche. Il y a également des phases d’interrogations relativement retorses aux passages-clefs de l’intrigue où il faudra répondre correctement pour éviter une bad end. On pourra simplement regretter le manque de sauvegardes qui ne permettent pas d’explorer toutes les branches de l’intrigue de manière optimale. En soi, Leviathan est vraiment très proche du système d’un Livre dont vous êtes le héros mais avec une ambiance graphique et sonore réellement majestueuse. Le jeu regorge de décors sublimes, rendus vivants par une très bonne utilisation des bruitages et de l’animation (on peut penser à l’invocation du démon ou au système de métro, par exemple), les personnages sont assez dynamiques aussi et l’ambiance est objectivement réussie. La bande-son n’est pas en reste pour autant, il n’y a qu’à écouter le générique, plutôt rock, pour en être convaincu.

Des personnages complexes

La force de Leviathan repose dans son écriture et sa capacité à présenter un univers original, où la brutalité et le cynisme sont omniprésents, avec des thèmes forts et admirablement bien maîtrisés. Chaque personnage présenté possède différentes facettes, des conflits, des ambiguïtés, qui rend l’aventure bien plus intéressante qu’au premier abord. Il n’y a pas de méchant ou de gentil, seulement des histoires différentes qui se croisent au fil des circonstances. Ainsi le grand méchant pointé du doigt dès le prologue n’est jamais décrit par Oliver qu’en des termes positifs alors même qu’il devrait le détester. Et toute la tension de l’intrigue est placée dans leur relation compliquée où se mêlent à la fois le respect et la rancune. J’ai rarement vu un jeu vidéo développer ce type de lien entre le « méchant » (mentor ?) et le « gentil ». D’ailleurs Oliver est lui-même le pur produit des valeurs de la noblesse et il se retrouve un peu malgré lui à se battre contre un système entier, corrompu jusqu’à la moelle, tout en essayant de garder la tête froide alors qu’il est entouré d’éléments surnaturels. Dans sa quête de vérité, il est entouré de personnages qui affirment vouloir l’aider tout en étant incroyablement peu honnêtes. Kael, l’ami d’enfance, se retrouve vite avec un rôle prépondérant car il est victime d’une situation familiale compliquée et finit déchiré entre ses obligations et son affection démesurée pour Oliver (ce qu’on ne peut comprendre pleinement qu’en posant la bonne question à l’Arbre). Ruth, toute superficielle qu’elle paraît, semble parfois lucide sur sa situation toute somme précaire. Même Edna, le fidèle démon qui suit Oliver, a l’air de moins en moins fiable à mesure que l’on progresse, ce qui fait qu’on ne sait jamais trop à qui faire confiance.

Leviathan se présente comme un jeu 18+ mais ça n’a rien à voir avec un contenu particulièrement choquant (à part un brin de nudité et de sang, il n’y a aucune image explicite). Lostwood Games étant russe d’origine, ils ont peur de la réprimande du gouvernement à cause d’un personnage homosexuel.

Mature et intriguant
Leviathan : The Last Day of the Decade est un jeu complètement atypique avec son ambiance artistique aussi belle que sombre, ses thèmes résolument matures et des relations complexes entre les personnages. Assortie d’un nombre de choix conséquent et une facilité d’exploration, la quête de vérité du héros fait réfléchir et se révèle extrêmement prenante. On regrette seulement le manque de publicité autour de la compagnie qui les contraint à développer les deux derniers épisodes au ralenti faute de financement. En espérant que la sortie sur Steam leur permette de conclure cette magnifique saga qui mérite vraiment d’être plus connue.

Левиафан: Последний день декады - вступительный ролик

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