Avis de Nival sur The Pale Beyond

Bon alors c'est à la fois un gros coup de cœur et à la fois un jeu aux limites assez évidentes et qui touchent à peu près tous ses aspects, donc je ne vais clairement pas le recommander aveuglément.

Mais quand même ç'a été (aux bugs prêts (cf. bas de page)) une expérience particulièrement prenante.

Le principe est excellent : c'est à la fois un jeu de survie et un jeu narratif. Tout le gameplay repose sur des systèmes avec des ressources à gérer pour tenter de garder au max notre équipage en vie (pas forcément parce qu'on y est émotionnellement attaché (même si ...), mais aussi / surtout parce qu'ils sont bien utiles (bien qu'en même temps sont autant de bouches à nourrir ...)) ; mais ce gameplay va être mis en œuvre au cours d'une aventure narrative avec un début et une fin, une intrigue, des évènements particuliers, etc. (qui rentrent donc en interaction avec les systèmes, p.ex. tel évènement va se traduire par tel effet sur telle ressource).

Le contexte est génial, puisque c'est celui d'une expédition polaire, et très richement et fidèlement reconstituée ; bon, avec son lot de romanesque, de simplification et d'exagération certes ; mais les péripéties et les enjeux font en permanence écho au déroulé des réelles expéditions de l'époque. Et évidemment, outre la richesse et la sensation d'authenticité prenante que cela amène, l'ambiance de solitude, de mystère et d'adversité que revêt ce contexte contient tous les ingrédients pour être immédiatement emporté.

Le problème principal, c'est que si l'idée de mêler narration et réels systèmes de jeu est une superbe façon de renforcer implication et immersion, bah force est de constater que ces deux versants s'avèrent en contre-partie assez limités. Surtout en fait le système de survie, qui repose sur juste deux ressources en équilibre même pas trop précaire, avec en plus des équilibrages douteux sur certains points qui peuvent être gentiment exploités ; et globalement des règles assez simplistes au schématisme qui pousse souvent à des choses pas bien cohérentes (en fait toute cette partie fait très "jeu de plateau" dans son fonctionnement). La partie narrative souffre de son côté d'une prise en compte de notre gestion quasi absente, et notamment le fait qu'on gère super bien l'expédition n'a pas de réelle répercussion sur notre rapport à l'équipage, rapport qui dépend essentiellement de scénettes à choix multiples dédiées à cet aspect. Après, on peut aussi relever que ces simplifications permettent au moins de ne pas avoir son attention complètement vampirisée par les calculs et les chiffres et de garder ainsi une bonne réceptivité à ce que le jeu veut nous faire vivre, d'un point de vu plus sensitif et émotionnel.

Ce qui fonctionne au top en tout cas, c'est la gestion du rythme. En effet on va à la fois bien ressentir la longue période qu'on va endurer en essayant de s'organiser pour "passer l'hiver" (si on veut), avec une routine bien palpable, et à la fois émaillée de petits évènements, toujours au bon moments, jamais redondants, jamais avec une régularité mécanique qui casserait la magie de la perception d'authenticité, jamais aux répercussions standardisées ; et puis une poignée d'évènements bien plus importants auront lieu, aussi. Et on sera amené à prendre des décisions parfois bien délicates ; mais jamais pris à contre-pied sur nos choix, pas un truc à la FTL où si tu vas aider un naufragé, en fait c'était un bandit et tu perds 3 membres d'équipages + 20 unités de vivre, ah ah, on t'a bien eu ; nan, jamais de chose de ce genre, tout est joliment logique et relativement prévisible ; dans la mesure ou les choses peuvent l'être (c'est à dire jamais avec certitude). UN défaut en revanche sur ce point, d'une certaine façon : c'est qu'il faut s'attendre dès lors à un effondrement de l'intensité que peut faire vivre le titre si _on ne joue pas le jeu_, c'est à dire qu'on recharge le jeu à la moindre contrariété ; ou, pire finalement, si on en arrive à perdre et devoir recommencer tout ou partie du jeu --> parce que dès lors, une fois qu'on sait que telle chose va arriver, la question du choix difficile et de la gestion de son ptit monde pour parer à toute éventualité ne se pose plus du tout. Perso en tout cas j'ai joué au plus serré en réfléchissant d'emblée à l'implication des systèmes (assez simples) pour chercher à survivre au mieux dès ma première (et finalement seule) partie, et vraiment je me suis pris tout le déroulé des péripéties et les conséquences de mes choix en pleine face, et c'était super grisant. Mais p.ex. y aller en dilettante en se disant "une partie pour découvrir les systèmes quitte à faire un peu n'importe quoi, et je relancerai en mieux quand je serai mort une première fois", à mon avis c'est plus vraiment la même expérience. De toute façon tout est limpide d'emblée, et c'est d'ailleurs un point excellent à souligner, la narration amène de façon incroyablement naturelle la prise en main des systèmes de jeu ; et d'ailleurs je crois qu'il n'y a même pas de tutoriel, de mémoire tout passe simplement par la narration et la limpidité de l'interface (ou pas loin en tout cas). De fait il n'y a pas besoin d'un "tour de chauffe" ; les seules choses qui pourraient nous surprendre "eh, je pouvais pas le deviner sans connaitre déjà le jeu ! :fou:", c'est justement les trucs qu'on n'est pas sensé connaitre à l'avance (d'un point de vu narratif). Bref ... je m'égare ... mais vous saisissez le truc :P.

Le "scénario" part sinon un peu en eau de boudin dans sa "résolution" ; mais ça va quand même selon la façon dont on prend la chose j'ai fini par trouver. Et en tout cas si malheureusement le gros de l'équipage est parfaitement transparent (très dommage), il y a une brochette de personnages principaux qui, même si assez archétypaux, sont plutôt bien croqués et en tout cas rapidement attachant ; même si on pourra aussi regretter un côté un peu édulcoré des épreuves traversées (et de leurs répercussions, surtout).

La partie artistique que j'ai omis d'évoquer jusque là est sinon vraiment très réussie ; même si on pourra déplorer des maladresse dans le dessin des personnages, aux traits parfois un peu enfantin qui dénotent, ou encore les éléments graphiques de résolutions différentes (éléments de jeu nets sur décors flous car trop zoomés), et un aspect assurément très statique. Mais on s'habitue bien vite à ces écueils je trouve pour ne garder que les ambiances entêtantes qui se renouvellent au gré des situations, régulièrement au bord de l'onirisme. La bande-son est un peu plus inconstante mais recèle de beaux moments d'accordéon et des moments de sound-design très efficace.
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AU FINAL, l'expérience m'a particulièrement transportée, s'appuyant sur ce contexte passionnant d'expédition polaire, sa narration au rythme brillamment mené (du moins si on s'astreint à tout faire pour réussir "du premier coup" et sans recharger la partie à la moindre déconvenue), et cette association de narration et de survie arrivant à densifier très fortement l'implication et les sensations d'aventure (et tant pis si ça reste simpliste, finalement sur ces deux versants, et que oui y'a en fait pas mal de limite ; mais la force du principe donne déjà beaucoup).

(Ah oui, et sinon c'est en anglais exclusif, pas simplissime mais pas hyper ardu non plus, d'autant que c'est pas très bavard, constitué de phrases et d'échanges courts qui vont à l'essentiel. Seulement qqs tournures et formulations parfois un peu anciennes ou argotiques peuvent mettre à mal occasionnellement, rien que ne sait surmonter un coup d'oeil ponctuel a un dico.)

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!!!! EN REVANCHE ATTENTION !!!!
J'ai rencontré pas mal de bugs dont un bloquant, à présent corrigé, mais y'en a tellement d'autres qui ont été rapportés qu'ils sont surement pas encore tous rentrés dans l'ordre ! (Et j'ai de toute façon encore eu un bug d'incohérence narrative malgré la dernière màj, pas "grave" en soi mais qui peut casser un peu le délire.)
==> UN CONSEIL : si intéressé, attendez d'être à peut-être 6 mois de sa sortie pour le prendre.