Ecrire son jeu dans sa langue natale, c'est bien, l'ouvrir aux joueurs du monde entier, c'est mieux. Aujourd'hui, le duo de l'Atelier Sentô nous raconte comment il a pu faire traduire The Coral Cave en anglais, et les enjeux de cet événement laissant une part de sa création à un tiers.
Quand on est français et qu'on crée un jeu vidéo narratif, on est confronté à un choix difficile : la majeure partie des joueurs dans le monde l'apprécieront en anglais, une langue que nous sommes loin de maîtriser. Il faut trouver un traducteur à qui on fait confiance. En l'occurrence, c'est lui qui nous a trouvé.
La première fois que Josh Tierney nous a contacté, c'était pour nous demander une illustration. Il cherchait de nouvelles manières de diffuser ses histoires. Il avait eu l'idée de chercher des dessinateurs de part le monde pour illustrer les différents chapitres du roman qu'il publiait sur son site : les aventures d'une fille capable de créer des objets avec les pellicules de son cuir chevelu.
Comprendre l'anglais était difficile pour nous mais on a persévéré car, pour ce qu'on arrivait à lire, le texte de Josh nous amusait beaucoup. Puis nous sommes plus ou moins restés en contact.
Ce n'est que bien plus tard, pendant notre année au Japon, que ça a vraiment fait tilt : Josh nous a proposé de participer à Spera (http://spera-comic.com), un projet de webcomic collaboratif. Il avait écrit une longue histoire sur deux princesses de royaumes voisins qui doivent fuir pour échapper à la mère de l'une. La beauté de ce texte et sa profonde humanité, ses allures de rêve éveillé, ses personnages touchants. Là encore, Josh avait eu une idée géniale : proposer à une multitude de dessinateurs BD, venus du monde entier, de dessiner les passages qui leur plaisaient sans limite de style, de mise en page, de quantité.
Ça aurait pu virer au capharnaüm mais la force de l'histoire donne sa cohérence à l'ensemble et la variété des styles accompagne les émotions des personnages. Le webcomic a eu un énorme succès sur internet, trouvant un écho chez toute une génération de lecteurs et de dessinateurs. Désormais, Spera poursuit sa route sur les étals des librairies et nous continuons à y participer aussi souvent que possible.
La collaboration suivante, c'est nous qui l'avons proposée. Après une promenade dans la très belle forêt du mont Yahiko, au Japon, nous nous étions mis en tête d'y tourner un court-métrage. Nous savions que Josh est un grand amateur de cinéma japonais. Nous lui avons envoyé quelques photos des lieux qui nous plaisaient, deux trois indications et l'avons laissé libre d'imaginer ce qu'il voulait.
Nous étions un peu anxieux mais quelques jours après, il nous a renvoyé le script complet... et c'était parfait ! Drôle et un peu mélancolique, subtilement fantastique : c'était absolument ce dont nous rêvions !
Depuis, nous travaillons ensemble aussi souvent que possible. Lui demander d'adapter le texte anglais de The Coral Cave était une évidence. Voilà comment cela se passe :
- nous faisons une première traduction anglaise, maladroite et mot à mot, en lui indiquant la manière dont s'expriment les différents personnages.
- Josh réécrit le texte à sa façon. Il a toute liberté de modifier des éléments, d'ajouter des blagues, ...
- si le résultat nous convient, on transforme la version française pour l'adapter aux modifications de Josh. Cela permet d'améliorer considérablement les dialogues qui deviennent plus vivants, plus touchants, plus amusants.
Si internet a bien un avantage ce sont les rencontres qu'on peut y faire. En marge des circuits officiels, on s'échange des services, on collabore par simple plaisir de donner naissance à de beaux projets. Du livre illustré au jeu vidéo, en passant par la bande-dessinée et le cinéma, notre collaboration avec Josh Tierney aura pris une grande variété de formes. Et ça ne fait que commencer !
Fil d'actualités
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27/11/240
Sommaire
- Partie 1 - Présentation d'Atelier Sento
- Partie 2 - Premiers pas et prototype
- Partie 3 - Souvenirs d'Okinawa
- Partie 4 - Présentation du moteur Wintermute
- Partie 5 - Gérer les acteurs dans Wintermute
- Partie 6 - Guider le personnage
- Partie 7 - La mise en place des décors
- Hors série - Les jours où ça n'avance pas !
- Partie 8 - L'enregistrement des sons
- Partie 9 - Les énigmes
- Partie 10 - Les musiques
- Partie 11 - Communiquer en s'amusant
- Partie 12 - Un jeu made in tout le monde
- Partie 13 - Dans 60 ans...
- Partie 14 - Le scénario
- Partie 15 - L'intégration des personnages
- Partie 16 - Le regard des joueurs
- Partie 17 - Les variables
- Partie 18 - La traduction anglaise
- Partie 19 - En route pour 2016
- Partie 20 - Un chat pas comme les autres
- Partie 21 - La gestion de l'inventaire
- Partie 22 - La création de cutscenes
- Partie 23 - Faire bêta-tester son jeu
- Partie 24 - Interview de Nick Preston
- Partie 25 - Interview de Thorn
- Partie 26 - Anatomie d'une scène : l'idée de départ
- Partie 27 - Anatomie d'une scène : l'énigme
- Partie 28 - Anatomie d'une scène : le croquis
- Partie 29 - Rencontre avec le studio Ernestine – 1ère partie
- Partie 30 - Rencontre avec le studio Ernestine – 2e partie
- Partie 31 - Du papier à l'écran
- Partie 32 - L'école des fantômes
- Partie 33 - Développer un jeu avec des lycéens
- Partie 34 - Faire connaître son jeu
- Partie 35 - Sur les routes de France
- Partie 36 - Éloge des gribouillis
- Partie 37 - Un jeu dessiné par des enfants
- Partie 38 - La naissance d'un projet
- Partie 39 - Mélanger 2D et 3D
- Partie 40 - Adventure Creator
- Partie 41 - Designer des personnages
- Partie 42 - The Doll Shop
- Partie 43 - Donner de la profondeur
- Partie 44 - Des personnages en kit
Comments
Je pense que la méthode d'Atelier Sento est la plus honorable et honnête ! Travailler avec des gens de confiance, pour avoir un résultat qui ne trompe pas... Bien sûr, cela prend (beaucoup) de temps, mais je trouve qu'on y est gagnant au final !
Wow, vous êtes tombés sur un allié de poids ! C'est marrant qu'au final, la version française aura un impact sur la version anglaise et réciproquement, je suis très fan de ce genre de démarche qui va au delà de la langue. Vous visez d'autres langues d'ailleurs ? (à part le japonais)
Oui, c'est vraiment bien de pouvoir travailler avec quelqu'un qu'on apprécie et qui peut donner de la valeur à une étape souvent bâclée mais pourtant capitale.
Pour les autres langues, on est en contact avec Word of Magic, des passionnés de traduction française, spécialisés dans le point&click, et qui vont nous aider pour trouver des traducteurs de qualité dans quelques langues européennes.
Combien on en fera, c'est difficile à dire, cela dépendra du budget qu'on aura à ce moment.
On essaie de préparer ça en simplifiant notre texte de sorte à en dire le maximum avec le moins de mots possible.
C'est un exercice intéressant !
Les traductions c'est casse-tête. Ils ont de la chance les anglophones. Et dire qu'ils se plaignent quand un jeu ne sort pas dans leur langue !
L'anglais encore ça va parce qu'on le lit à peu près et qu'on peut apprécier le résultat... mais toutes les autres langues, c'est l'angoisse ! Comment vérifier qu'on ne se fait pas arnaquer par un imposteur qui nous sort une traduction google ? Ça arrive même à des gros studios.
Comme d'hab, la prudence est de mise !
Oui il y a toujours un risque. J'essaye de choisir des langues assez courantes, même si cela signifie offrir moins de traductions. Pour chaque langue du jeu, il y a un traducteur bien sûr, mais je tente aussi d'avoir au moins un joueur qui la comprend pendant le Beta Test. De cette façon je peux savoir si la traduction doit être améliorée.