Ce mois-ci, l'Atelier Sentô vous présente comment ils ont élaboré le scénario de leur jeu The Coral Cave. S'ils présentaient déjà les sources d'inspiration de leur jeu, le duo vous propose de découvrir comment ils ont assemblé le tout !
Quand nous avons commencé à travailler sur The Coral Cave, nous n'avions pas de scénario précis. L'écriture d'un jeu vidéo diffère de celle d'une BD. Nous avons préféré prendre le temps de découvrir ce nouveau média : dessiner quelques décors, concevoir quelques énigmes. Bien sûr, nous avions une trame générale, quelques personnages, … mais tout cela a tellement évolué depuis qu'il n'en reste plus rien.
Puisque nous sommes avant tout dessinateurs, nous ne commençons jamais un projet à l'écrit. On débute par quelques croquis. On a une ou deux images en tête, on griffonne puis on essaie d'étoffer, de comprendre pourquoi et comment le personnage s'est retrouvé dans cette situation. C'est un peu comme une enquête policière : on a quelques indices, des suspects et on cherche à découvrir ce qui s'est réellement passé.
Pour The Coral Cave, tout est parti de deux scènes. Un temple dans la forêt et un banc de sable au milieu de l'océan. Mais nous ne savions ni ce que Mizuka y faisait ni laquelle des deux scènes se passait avant l'autre. On a commencé par concevoir les énigmes, à ajouter des idées, à greffer de nouveaux décors... Et petit à petit, une histoire s'est dessinée...
Une histoire faite de rajouts, de greffes étranges, d'idées improvisées. Bref, une histoire qui partait un peu dans tous les sens. Et puis, il a fallu mettre de l'ordre dans tout ça, trouver une thématique générale et surtout couper tout ce qui déviait de cette ligne directrice. Finalement, nous avons obtenu une histoire plutôt simple et cohérente. Et croyez-nous : ce n'était pas gagné !
En bonus, voici quelques petites règles amusantes que nous nous sommes données :
- on ne sait presque rien des personnages de nos histoires. Il est souvent conseillé de remplir des « fiches personnages » décrivant leurs goûts, leur caractère, leur passé, ... Mais on préfère faire leur connaissance au moment où ils apparaissent dans l'histoire. Dessiner nous aide beaucoup : ça nous permet de travailler énormément nos personnages sans pour autant tout savoir d'eux. Ils gardent une part de mystère, même pour nous.
- commencer dans le feu de l'action et couper net à la fin : il n'y a rien de plus ennuyeux que les introductions et les conclusions. Ces moments trop explicatifs où l'histoire n'a pas encore commencé / s'est déjà terminée et où ça duuuuuure. Au contraire, démarrer le jeu sans cutscene d'intro force le joueur a s'impliquer pour découvrir ce qu'il fait là. Idem pour la fin : il ne faut pas s’appesantir et laisser l'histoire continuer son petit bonhomme de chemin dans l'esprit du joueur.
- garder une part de hasard : le titre du jeu « The Coral Cave » vient de la chanson « Echoes » de Pink Floyd. Ça nous a plu, on l'a adopté ! Et pourtant, il n'y avait pas l'ombre d'une caverne de corail dans notre scénario. Réfléchir à comment l'intégrer nous a aidé à structurer l'histoire. Et il y a plein d'autres exemples d'éléments qu'on ajoute à l'histoire sans la moindre idée de ce à quoi ils vont servir. Et plus tard, ça fait tilt !
- on a toujours les meilleures idées quand on n'a pas de stylo et de papier à portée de main : sous la douche, aux cabinets, … La trame finale de The Coral Cave a été imaginée à vélo. Bien entendu, en rentrant, on se dépêche de tout noter. Sinon, les mêmes idées ne cesseront de nous tourner dans la tête. Il faut les coucher sur papier pour laisser la place à d'autres.
Et vous, quelle est votre méthode pour écrire ? Suivez-vous des guides ? Avez-vous des astuces insolites ? Des conseils pratiques ?
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Sommaire
- Partie 1 - Présentation d'Atelier Sento
- Partie 2 - Premiers pas et prototype
- Partie 3 - Souvenirs d'Okinawa
- Partie 4 - Présentation du moteur Wintermute
- Partie 5 - Gérer les acteurs dans Wintermute
- Partie 6 - Guider le personnage
- Partie 7 - La mise en place des décors
- Hors série - Les jours où ça n'avance pas !
- Partie 8 - L'enregistrement des sons
- Partie 9 - Les énigmes
- Partie 10 - Les musiques
- Partie 11 - Communiquer en s'amusant
- Partie 12 - Un jeu made in tout le monde
- Partie 13 - Dans 60 ans...
- Partie 14 - Le scénario
- Partie 15 - L'intégration des personnages
- Partie 16 - Le regard des joueurs
- Partie 17 - Les variables
- Partie 18 - La traduction anglaise
- Partie 19 - En route pour 2016
- Partie 20 - Un chat pas comme les autres
- Partie 21 - La gestion de l'inventaire
- Partie 22 - La création de cutscenes
- Partie 23 - Faire bêta-tester son jeu
- Partie 24 - Interview de Nick Preston
- Partie 25 - Interview de Thorn
- Partie 26 - Anatomie d'une scène : l'idée de départ
- Partie 27 - Anatomie d'une scène : l'énigme
- Partie 28 - Anatomie d'une scène : le croquis
- Partie 29 - Rencontre avec le studio Ernestine – 1ère partie
- Partie 30 - Rencontre avec le studio Ernestine – 2e partie
- Partie 31 - Du papier à l'écran
- Partie 32 - L'école des fantômes
- Partie 33 - Développer un jeu avec des lycéens
- Partie 34 - Faire connaître son jeu
- Partie 35 - Sur les routes de France
- Partie 36 - Éloge des gribouillis
- Partie 37 - Un jeu dessiné par des enfants
- Partie 38 - La naissance d'un projet
- Partie 39 - Mélanger 2D et 3D
- Partie 40 - Adventure Creator
- Partie 41 - Designer des personnages
- Partie 42 - The Doll Shop
- Partie 43 - Donner de la profondeur
- Partie 44 - Des personnages en kit
Comments
Merci beaucoup pour ton retour !
C'est très intéressant à lire. Créer une histoire à embranchements, ce doit être un sacré casse-tête ! Félicitations pour t'en être sorti !
Ce qu'on peut déduire de ton explication, c'est qu'au final on n'utilise rarement une seule recette pour écrire mais que cela varie en fonction des étapes. Le principal challenge, c'est d'arriver à s'y retrouver, héhé !
Nous, on fait souvent de longues pauses où on ne s'occupe que des graphismes et où on ne pense plus au scénario : ça nous permet de prendre du recul.
Merci pour ces chouettes explications.
Je pense qu'effectivement il n'y a pas de solutions miracles, tout dépend des affinités. Du coup, en tant que dessinateurs, rien de plus naturel que de se laisser porter d'abord par des impulsions visuelles.
Pour ma part, j'ai réfléchi mon jeu autour d'une thématique et d'un message assez fort que je voulais voir porter par UN personnage, qui n'est d'ailleurs pas celui contrôlé par le joueur. Pour que le "principe" de mon jeu fonctionne, j'ai besoin que la cohérence de l'univers soit tangible. Du coup, à l'extrême opposé de vous, j'ai écrit en long et large toutes les caractéristiques de ce fameux personnage central. Je l'ai imaginée réagir à différentes situations, essayer de définir son niveau de langage, exactement comme un persona.
Mais à certains moments cela ne suffisait pas, et cela commençait à m'ennuyer. Alors j'ai commencé à écrire des lettres, adressée à moi, le développeur. J'écrivais ce que je l'imaginais vouloir communiquer au développeur, pour que le jeu soit à son image. Oui, c'est tordu, mais étonnement, cela m'a au final été plus utile que les personas, parce que je me suis beaucoup plus amusé à le faire, et conceptuellement, par rapport à mon jeu, cela faisait plus de sens.
Je pense que la bonne technique c'est ça. Ne pas avoir peur de prendre du recul et le temps de trouver la technique qui nous amuse et qui résonne.
Merci pour ton commentaire ! En effet, c'est une méthode très personnelle.
C'est vraiment intéressant comme processus.
A en juger par son trailer, ton jeu semble vraiment à part et ce n'est pas étonnant d'avoir eu besoin d'un tel procédé pour l'écrire. Chaque projet a ses propres besoins et il faut trouver le bon angle pour l'appréhender.
Bon courage avec ton jeu. Il a l'air bien parti : le trailer fait forte impression !
Oui, je suis bien d'accord là-dessus, la bonne technique, c'est celle qui nous réussit, point . Le "piège" dans la création c'est bien de vouloir appliquer des recettes toutes faites.
C'est quoi "ton jeu"?
Absolument d'accord.
Le jeu sur lequel je bosse c'est "Don't Kill Her". Ce n'est malheureusement pas encore sorti, mais j'ai un vieux trailer qui traîne.
https://vimeo.com/67954596
Si tout va bien, j'aurai fini début d'année prochaine : ]
Ç’a l'air ...étrange ...surtout mis en rapport avec le titre, qui déjà interpelle forcément .
Le style graphique crayonné est en tout cas très réussi et je trouve qu'il y a un ptit coté Tim Burton dans ce mélange d'enfantin et de macabre, qui n'est pas pour me déplaire (la tronche de "her" notamment! ).
Curieux de voir ce que ça donnera, bon courage pour la finalisation!
Yeah! Merci : ]
Toujours un grand plaisir de vous lire....Quand Coral Cave sortira, vous n'écrirez plus ?
A priori, c'est OK pour qu'on continue un peu après la sortie du jeu. Il y aura sûrement plein d'aspects intéressants à couvrir à ce moment-là.
Et puis, nous, on se sent bien sur Indiemag !
On ne travaille pas comme vous, le scénario est important dans un jeu d'aventure, c'est une étape préparatoire cruciale : en l'inventant au fur et à mesure, il y a le risque qu'il ne soit pas équilibré et donc mal structuré (une 1ère partie trop longue, une 3ème partie trop courte, une fin incompréhensible). Par ailleurs, connaître la trame principale du début à la fin permet de préparer la difficulté croissante des énigmes, et de savoir les placer au bons endroits. D'avoir une vue d'ensemble du travail à accomplir pour mieux s'organiser, et d'avoir une idée de la quantité de travail pour se limiter et ainsi rester dans le domaine du faisable.
Ca ne veut pas dire qu'on fait mieux au final Tout dépend des idées, et puis dans le cas d'un jeu, rater le scénario c'est moins grave que dans un film (et on doute que vous ratiez quoi que ce soit).
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