Lynn and the Spirits of Inao : du projet prometteur à l'annulation
Amorcée suite au tweet d'un illustrateur relayant le surprenant témoignage d'une étudiante, l'affaire touchant aujourd'hui le studio Bloomylight a rapidement pris de l'ampleur. En effet, la structure qui vient de lancer sa campagne de financement pour son projet Lynn and the Spirits of Inao aurait contourné à plusieurs reprises la loi concernant les conditions d'emploi de stagiaires en entreprise. Il est temps de faire le bilan.
Quand les stagiaires se rebiffent
Lynn and the Spirits of Inao est un jeu d'aventure et de plateforme qui avait su séduire grâce à ses visuels résolument orientés Ghibli, studio d'animation cher au cœur de nombreux joueurs. Lancé en financement sur Kickstarter depuis deux semaines, l'objectif visé était de 53 000 euros. Malheureusement, la coquille enrobant ce projet semblait être en réalité bien vide. En effet, un témoignage mis en lumières lundi matin sur Twitter décrivait les conditions de développement du titre.
Ces informations ont rapidement été confirmées par d'autres stagiaires ayant travaillé pour Bloomylight Studio, qui ont témoigné à leur tour pour dénoncer la gestion du projet et leurs conditions de travail. On y découvre ainsi que le local faisant office de studio est en réalité un petit appartement de 20m², dans lequel seuls de nombreux stagiaires se relayaient depuis plusieurs années pour avancer sur le projet.
Des craintes sur la viabilité du projet
Par ailleurs, il est rapporté qu'aucun programmeur n'aurait à ce jour travaillé sur Lynn and the Spirits of Inao, si ce n'est un autre stagiaire pendant deux ou trois mois. Les images montrées sur le Kickstarter seraient donc en réalité des gif animés et non des phases de jeu capturées. Le scénario n'aurait d'ailleurs même pas été communiqué aux petites mains à qui étaient attribuées individuellement les zones du jeu, ce qui laisse penser que la trame principale n'avait pas encore été bien définie. Par ailleurs, tous ces stagiaires n'ont jamais été crédités, les informations sur le Kickstarter laissant pourtant croire que le studio était composé de cinq personnes fixes.
D'autres témoignages annoncent également que les étudiants devaient apporter leur propre matériel, celui proposé étant défectueux, ou que le directeur exigeait régulièrement un surcroît de travail en leur faisant miroiter la signature de documents nécessaires à la validation de leur stage.
Au delà des conditions de travail, d'autres accusations annoncent que le propriétaire du studio aurait fait signer aux stagiaires présents depuis plus de deux mois des preuves de rémunérations pourtant non versées afin de profiter de baisses d'impôts. Pour rappel, au-delà de deux mois consécutifs, il est obligatoire pour toute entreprise de verser un salaire d'au minimum 554,40€ par mois à ses stagiaires.
Silence radio du studio et annulation du jeu
Du côté du studio, celui-ci était resté parfaitement silencieux jusqu'à il y a peu. Un témoignage avait d'ailleurs annoncé que le directeur aurait donné leur semaine aux stagiaires, sans doute le temps que l'affaire se tasse. La communication autour du Kickstarter a donc totalement été arrêtée, celle-ci étant elle aussi gérée par un stagiaire. Seul un compte utilisateur étrange a été créé pour défendre bec et ongle le projet sur Kickstarter lorsque l'incendie a commencé à prendre dans les commentaires du financement. Le seul signe de vie vint de la page Facebook du studio qui a été désactivée, probablement par le directeur, après que de nombreux messages y aient été supprimés.
Le financement est resté actif bien que totalement ralenti pendant le début de semaine, certains backers ayant tout de même décidé de retirer leur apport. Que comptait faire le studio avec le somme obtenue ? Payer un programmeur pour finir le jeu ou autre chose ? Nous ne le saurons jamais. Le financement du jeu vient en effet d'être annulé, ainsi que le projet entier.
Le créateur de la page l'a annoncé lors d'une mise à jour dans laquelle il regrette que le travail de tant de gens soit gâché par d'autres malgré des "erreurs du passé", ce qui confirme implicitement les témoignages des stagiaires. Il fait également porter la responsabilité de la situation à ceux l'ayant dénoncé afin de se placer en victime et assure avoir été passionné par son projet. Mais à quel prix ?
Fil d'actualités
-
11/11/24011/11/240
Comments
Je ne veux pas relancer le débat, mais ayant réalisé 4 stages dans le milieu du jeu-vidéo au cours de mes 5ans d'études, je peux vous assurer que c'est monnaie courante d'être exploité. Perso j'ai eu de la chance, mais beaucoup de mes collègues ont connu des "plans foireux". C'est dans les meilleurs cas un bon compromis car l'étudiant est formé pendant son stage, et d'un autre côté il aide la production. Quand je vois la tornade de haine qui s'est abattue sur ce projet, je me dis que beaucoup d'autres studios sont dans le même cas, mais que personne ne s'en souciera jamais. Ce qui est surtout triste c'est que le projet, et le travail de toutes ces personnes soit jeté à l'eau.
Honteux...
C'est absolument ahurissant cette histoire!
J'ai juste une question: les stagiaires attendaient quoi pour dénoncer l'arnaque? Pourquoi attendre jusqu'à kikstarter avec les 37 056€ de fonds collectés?
J'avoue que c'est une question que je me suis posée aussi, et notamment au tout début de l'affaire quand il n'y avait qu'un seul témoignage, ça m'a fait douté de la crédibilité des propos. Je ne doutes plus vraiment que ce studio a plus qu'abusé, et les commentaire du frère sur Facebook par exemple ne font que confirmer, mais si le projet à environ 5 ans il doit y avoir pas mal de stagiaires qui sont passés ; une fois le diplôme obtenu (car je veux bien croire qu'avant, c'est assez délicat) pourquoi n'ont-ils pas dénoncé les choses avant, ne serais-ce que pour les étudiants suivants qu'ils ne se retrouvent pas dans ce studio.
Les gars se sont fait (+ou-) sciemment exploiter pour pouvoir valider leur stage. Quand t'en a bavé bénévolement parce qu'il fallait que tu aies un stage, je comprends que t'aies pas trop envie de tout foutre par terre ensuite en dénonçant la fraude, surtout quand tu t'en aies rendu complice en signant des faux et mentant à ton école. Ça plus le fait que, je suppose, il ne doit jamais être facile d'avouer publiquement s'être fait enflé aussi grossièrement.
Et dénoncer une fois ton cursus achevé c'est quand même remettre en question la validité de ton diplôme, en plus que de mettre dans la panade ceux qui se retrouvent à ce moment dans ce stage et qui étaient prêt également à ces sacrifices pour valider leur année.
Sauf qu'il y a un moment où quand ça devient trop gros (le Kickstarter indigne s'envolant vers un succès éhonté), bah les langues finissent par se délier, ça me parait à l'inverse plutôt compréhensible.
Mouais, j'sais pas, ce n'était qu'un "banal" Bac Pro, mais que j'ai eu terminé l'un de mes stages, j'ai bien fait savoir à mes profs, et à mes camarades ce qu'avait été mon stage pour que l'entreprise n'accueille plus de stagiaire d'au moins mon établissement scolaire.
L'enjeu n'était peut-être pas le même, malgré tout se réveiller à ce moment là, si ça date de X années, je trouves ça moyen. Attention, je trouve encore plus horrible si l'on peut dire l'attitude de ce studio. Mais bon tout le monde ne réagit pas de la même manière.
PS : @Hass : Le frère (ou quelqu'un de la famille portant le même nom de famille, mais plusieurs semblent dire que c'est son frère) de celui qui tient le studio s'est permit de répondre à certains commentaires sur Facebook de manière assez vulgaire parfois, très énervé en tout cas.
Tu avais aussi sciemment fait un stage illégal en le cachant à ta scolarité, allant jusqu'à signer de faux trucs pour le couvrir ?
C'était un autre genre dans mon cas, malgré tout, se décider à parler juste à ce moment là, alors qu'il aurait été possible sous couvert d'anonymat de tenter de prévenir sur la situation et éviter que d'autres ne se retrouvent dans la même situation je trouve ça moyen vis à vis des autres stagiaires.
Mais que le studio se comporte mieux aurait évité tout ça, ça c'est sûr. Et encore une fois chacun réagis différemment, c'est fait c'est fait. Au moins il n'y aura plus de soucis dans ce studio là.
Si tout pouvait être aussi simple. Dénoncer n'est pas chose facile. Il faut déjà accepter l'idée d'avoir été exploité et soumis puis de le crier à qui veut l'entendre. Tu comprendras que ce n'est pas chose aisée surtout si le silence reste le seul répondant (chose plutôt terrible). Et puis, la psychologie humaine n'a cure de la raison.
Si cette stagiaire avait dénoncée plus tôt, il n'est pas impossible que sans la médiatisation d'un kickstarter, son appel serait passé à la trappe et tu n'en parlerais pas aujourd'hui.
C'est quoi cette histoire de frère sur facebook?
Merci.
Pages