Avis de Nival sur Subnautica

Le top de l'exploration
Par Nival

De base, je suis pas du tout "jeu de survie". J'adore qu'un jeu me laisse libre de mener les choses comme je veux, mais je trouve ça complètement vain si je n'ai pas un objectif à atteindre. Par exemple je me suis profondément ennuyé sur Don't Starve, et j'ai surkiffé Out There.

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Subnautica tire son épingle du jeu par tout un lot de bonnes idées :

+ Déjà le contexte est fort bien maitrisé, imposant des contraintes fortes (classique faim/soif, mais aussi -naturellement- l'oxygène, et aussi une gestion de l’énergie via un système de batteries bien fichu) autour desquelles s'articulent très intelligemment les mécaniques de jeu et dont il sera particulièrement grisant de s'émanciper peu à peu.

+ Ici la survie n'est pas une fin, mais un moyen. Il est d'ailleurs trivial de simplement survivre : restez dans votre capsule de départ et nourrissez-vous quotidiennement des ressources à portée, et vous aurez bon espoir de couler des jours paisibles ... mais un peu ennuyeux. Évidemment, il est rapidement tentant d'explorer alentour, et ne serait-ce que tenter d'aller visiter l'impressionnante épave de notre vaisseau mère qui se découpe majestueusement sur l'horizon ; et pourquoi pas glaner, en plus d'éventuelles ressources et informations sur l'origine du crash, un moyen d'être secouru. On est donc poussé progressivement à sortir de sa tanière, par de brèves excursions d'abord, limitées par les impératifs de survie (à court d'O2 ? d'eau ? de batterie ?...) ; puis avec un périmètre qui viendra à s'accroitre peu à peu, au fur et à mesure qu'on trouvera à améliorer sa situation.

+ Et la carte qu'on est amené à arpenter n'est pas générée procéduralement comme il est coutume dans ce genre de jeu, mais finement level-designée à la main, et si cela pourra faire jaser les inconditionnels de la rejouabilité infinie, force est de constater que c'est un plaisir d'explorer des recoins inattendus recelant des mystères surprenants, et ménageant des passages pouvant s'apparenter à des "donjons" (dans le sens vidéo-ludique du terme), et tout cela servant une réelle progression avec scénario et objectif final.

+ La progression est astucieusement bien rythmée, et ne vous attendez pas à un "jeu où on construit sa base" ! Cela n'est qu'un aspect, et qui n'arrive pas tout de suite, et ne s'apparente par certains aspect qu'à un simple "à coté" récréatif. Cette intelligence à s'affranchir d'une vision trop renfermée sur son concept est vraiment salvateur et permet au jeu d'atteindre un intérêt bien plus large, et ménager de jolies surprises.

+ Il y a un scénario bien présent et bien trouvé, qui va au-delà du simplement "je me suis crashé, maintenant il faut que je rentre".

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Bon, maintenant tout n'est pas tout rose :

- Le point qui fâche le plus, c'est la physique ultra-rigide du jeu. Les interactions physiques sont globalement ratées, et notamment les échauffourées que vous pourrez avoir avec certains représentants franchement peu amicaux de la faune locale, prêtent rapidement plus à sourire qu'à l’effroi (quand le vorace prédateur nous percute à répétition sans parvenir à nous infliger le moindre dégât...). Et on a vite fait de ne plus trop se préoccuper de la horde de requins-aliens peuplant certaines contrées, qui luttent littéralement pour tenter de nous arracher sans succès le moindre lambeau de PV. Heureusement certaines créatures sont associées à des scripts qui assurent leur réelle (et rédhibitoire) dangerosité ; triste d'en arriver à se réjouir de l'existence de tels passages scriptés, mais dans le contexte ça devient malheureusement salutaire. Cette rigidité se retrouve aussi dans certains passages hors de l'eau, qui deviennent franchement poussifs dés lors qu'il faut faire intervenir le saut. Pour donner un ordre d'idée, on retrouve globalement les sensations d'un Morrowind ; et en 2018, c'est dur.

- La jouabilité à la manette est vraiment problématique, la faute à une absence d'adaptation de la visée. Ainsi, si attraper dans sa course un petit poisson d'un mouvement de souris devient vite une seconde nature, c'est une autre paire de manche à la manette, de quoi s'arracher les cheveux. Il suffirait sans doute d'élargir l'air d'effet du réticule quand on vise à la manette pour que tout rentre dans l'ordre, mais en l'état j'ai fini par jeter l'éponge et revenir au traditionnel clavier/souris (finalement délocalisé sur le canap, parce que l'exploration des fonds marins se déguste quand même mieux sur le grand écran du salon).

- La richesse de la faune et de la flore enrichit surtout le jeu visuellement, et n'est que très peu intégré au gameplay. Ainsi sur les nombreuses données écrites que l'on obtient sur chaque espèce, extrêmement peu ont des répercussions en jeu, alors qu'il y a bien 2-3 trucs intéressants qui existent (comme les "dents de rôdeur") mais se comptent donc sur les doigts d'une main ; un peu comme si les dèvs ont été bridés dans ce qu'ils avaient en tête devant les réalité de la complexité technique, ce qui est compréhensible mais se ressent négativement en jeu.

- Il y a des trucs franchement "bizarres" voire incohérents dans les recettes de "craft" ; il faut déjà fermer les yeux sur leur crédibilité en terme de concepts physico-chimiques (mais cela semble être une figure imposée dans ce genre de jeu...), mais il y a des trucs du genre --> désaliniser l'eau donne de l'eau et du sel (ptêt le seul truc logique de tout le jeu d'ailleurs ^^) ; et en même temps il y a une autre recette qui permet de faire de l'"eau potable" avec du sel (?) ... et donc plus on a d'eau potable plus on peut faire d'eau potable ! On peut ainsi trouver à exploiter des boucles insensées pour rouler sans effort sur certaines mécaniques de jeu. Dommage.

- S'il y a un scénario plutôt sympa, il n'en va pas de même de la façon dont il est narré. Il ne s'agit pas de critiquer le principe des "journaux de bords" disséminés aux quatre coin de la planète-océan (autant insensé que classique et accepté dans le média), mais l'écriture n'est vraiment pas terrible. Le niveau de la traduction n'aide en plus pas (on sent des erreurs par-ci par-là, comme un "Je lui dis !" qui tombe comme un cheveu sur la soupe et on devine que c'était plutôt quelque chose comme "je l'avais bien dit !", et le style global est bien lourd et sans doute proche du mot à mot), mais on voit bien vue la teneur de ce qui est narré que le matériau de base ne devait déjà pas être formidable ...

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Bon, au final, si mes dernières remarques sont assez critiques, c'est un bien bon jeu quand même, et parfait pour ceux qui sont attirés par le concept de "survie" mais veulent survivre avec des objectifs en tête, pas juste "survivre pour survivre", mais aussi tout simplement les amoureux d'explorations qui trouveront ici un superbe terrain de jeu.