Le top de l'année 2015 de... l'Atelier Sentô

Depuis maintenant un an et demi, l'Atelier Sentô vous présente l'évolution de son joli projet : The Coral Cave. Le duo propose par l'intermédiaire de BD amusantes la découverte des nombreux aspects de la création de jeu vidéo, de l'inspiration à la technique, ou sa promotion. Ils vous présentent aujourd'hui leur top, le dernier de 2015, constitué de jeux à l'aspect graphique soigné ou touchants.

Les 3 jeux préférés de L'Atelier Sentô de 2015

Kintsukuroi, c'est l'art japonais de réparer les poteries brisées. Loin de rechercher une réparation invisible, l'artisan colle les fragments avec de la laque mélangée à de la poudre d'or. Le tracé des fêlures dorées inscrit l'accident dans la vie de la poterie et lui donne une valeur supplémentaire, à la fois esthétique, sentimentale et philosophique. Le temps qui passe et l'impermanence des choses trouvent ainsi leur incarnation dans les objets du quotidien.

Chelsea Saunders, jeune artiste 3D spécialisée dans le low poly, s'inspire de cet art ancestral pour proposer un puzzle game gratuit sur mobile : on y manipule des fragments et on les assemble pour reconstituer des poteries brisées. Un jeu relaxant, à l'ambiance zen qui nous a charmé par la grande beauté de ses designs : chaque poterie est une merveille. Et la proposition de gameplay de Kintsukuroi nous plaît beaucoup : au lieu de casser des choses dans un jeu, réparons-les !

Un grand torii rouge, éclatant, se découpe sur les formes estompées des arbres. Le crépuscule teinte de bleu la forêt. Un loup hurle dans le lointain. Un autre lui répond, dressé sur un rocher, près de la cascade. En glissant le doigt, on replie le paysage comme une page que l'on tourne... et qui par la même occasion dévoile un nouvel environnement enchanteur.

Le concept de Tengami est séduisant : un livre pop-up virtuel à l'esthétique épurée. C'est un vrai tour de force : les pliages du jeu composent l'ossature du gameplay sans pour autant tricher. Ils sont conçus de sorte à pouvoir fonctionner en vrai ! Ce dispositif fait écho à l'univers de conte japonais dans lequel nous plonge le jeu. On voyage paisiblement dans ce rêve éveillé, poétique et mélancolique, à la croisée de plusieurs arts.

Lors de notre toute première escapade nocturne à Tokyo, nous avons photographié les traînées lumineuses laissées par les phares des voitures, comme une rivière spectrale. Cette image, que l'on retrouve sublimée dans Void&Meddler, est révélatrice de la poésie qui naît accidentellement dans les enchevêtrements de béton, verre et métal des grandes villes modernes.

Void&Meddler a ceci de fascinant qu'il élude les enjeux habituel du cyberpunk pour se concentrer sur la relation ambiguë unissant Fyn, l'héroïne, à cette ville qui l'oppresse mais qu'elle ne pourrait pas quitter. La ligne simple et vaporeuse du scénario est parcourue de ramifications souterraines mystérieuses. Le jeu est une errance hypnotique calée sur la pulsation des néons.

Notre but n'est pas tant d'arriver au bout que d'explorer l'ensemble des cheminements afin de dégager le meilleur chemin. Sauf qu'à revenir sur nos sauvegardes antérieures pour explorer de nouvelles pistes, on révèle la facticité de ce monde et de ses habitants qui ne cessent de se métamorphoser. C'est effrayant, presque inhumain, et en même temps si beau, si poétique qu'un sentiment étrange s'empare de nous pour ne plus nous quitter.

Les 3 jeux les plus attendus de l'Atelier Sentô pour 2016

Troncs d'arbres noueux et boîtes de conserves rouillées mélangés en un univers cosmique aux frontières du surréalisme : le 1er Samorost revendiquait l'indépendance artistique du tout nouveau studio tchèque Amanita Design. Collages photographiques, crayon à papier griffonné avec la main gauche : les créations suivantes ont entériné leur goût pour les expérimentations graphiques, leur humour étrange, l'universalité de leur propos et leur profonde tendresse pour ces créatures déglinguées auxquelles ils donnent vie.

Les jeux d'Amanita Design sont des œuvres d'art total où visuels, narration, design sonore et musiques sont au sommet de leur inventivité, en parfait équilibre entre exigence et accessibilité. Du peu que nous en avons vu, Samorost 3 s'annonce comme un feu d'artifice créatif qui repoussera les limites de notre imagination. C'est fou comme on peut voyager loin dans une simple boîte de conserve !

Quand, l'an dernier à Tokyo, nous avons rencontré Henrik Flink (co-créateur de Pavilion), il nous a expliqué qu'il ne concevait pas la création du jeu de manière linéaire mais comme une série de strates, améliorant celui-ci par touches successives. A son crédit, Pavilion a bien changé depuis sa première présentation sur les forums de TIGSource. A l'origine affublé d'un pixel art banal, il s'est métamorphosé en ce fabuleux tableau symboliste, hanté par l'ombre des peintres Arnold Böcklin et Caspar David Friedrich. Composés en un mélange de peinture numérique et de photo-manipulation, les paysages crépusculaires de Pavilion invitent à l'exploration d'espaces intérieurs.

Au delà du jeu lui-même, Pavilion est pour nous le symbole du monde du jeu indépendant qui ne connaît aucune frontière et nous permet de passer une soirée de l'autre côté de la planète en compagnie d'un développeur suédois et de constater à quel point nos univers sont proches.

Il nous a suffi, un jour, de lancer par hasard la démo de Gorogoa pour en tomber fous amoureux. C'est une œuvre d'art qui s'impose par son évidence : graphismes, scénario et gameplay sont comme un rêve magnifique qu'on avait oublié et qu'on redécouvre avec émerveillement.

Le jeu n'est pas facile à expliquer et pourtant, souris en main, il est limpide de bout en bout. La narration s'organise d'elle-même dans la manipulation qu'on fait des différentes strates du décor. Ce sont les mécanismes mêmes de l'imagination et de la création qui sont mis à contribution dans le gameplay, de la façon la plus pure qui soit. Gorogoa est tout simplement le plus beau jeu jamais créé.