Faire parler de son jeu à sa sortie n'est pas des plus facile. Il est délicat de s'y préparer, surtout quand le jeu sur lequel on travaille est notre premier. L'Atelier Sentô nous parle de son expérience avec la sortie de Yûrei Station, un court point & click d'horreur, réalisé en collaboration avec des lycéens.
En général, pour promouvoir la sortie d'un jeu, il faut envoyer des dossiers de presse, essayer de contacter les journalistes qui apprécient le genre de jeu sur lequel on travaille, ... C'est beaucoup de travail et on n'a que rarement des réponses. En même temps, on comprend les journalistes : qui a envie de recevoir des dossiers de presse en continu ? C'est plus motivant d'écrire sur des jeux qu'on a découvert par soi-même, non ?
Pour Yûrei Station, on n'avait pas envie de se lancer là-dedans. Comme il s'agit d'un petit jeu gratuit, on a décidé de le sortir sans contacter personne pour voir ce qui se passe.
Les réseaux sociaux
Les réseaux sociaux jouent un rôle capital quand on est indépendant. C'est une habitude à prendre : poster chaque jour des images de notre travail, répondre aux messages qui nous sont adressés, … Tout ça prend un temps fou mais c'est aussi très motivant : tisser des liens avec d'autres créateurs, ne jamais oublier de leur laisser un petit mot quand ils postent une belle image. On est tous un peu seuls à travailler chez nous alors c'est important de rester en contact les uns avec les autres.
Il ne faut surtout pas voir cela comme de la publicité mais comme un moyen d'échange et de partage. On a donc simplement annoncé la sortie de Yûrei Station sur twitter, facebook, tumblr et instagram, c'est-à-dire auprès de nos amis, des autres créateurs et des quelques personnes qui nous suivent.
A l'inverse d'un email, un tweet n'a pas de destinataire précis. Il peut être partagé par d'autres avant d'attirer le regard de la bonne personne. Impossible de savoir comment c'est arrivé mais on a finalement eu notre premier article sur indiegame.com, peu après la sortie du jeu.
Ce qui s'est passé ensuite est intéressant : l'article a été dupliqué sur plein de sites web un peu louches (peut-être automatisés pour siphonner le contenu d'autres sites ?). Et il a inspiré quelques articles dans d'autres langues : japonais, chinois, espagnol, allemand, anglais, …
Et des vidéos ont commencé à apparaître.
La grande scène youtube
Les vidéos youtube, c'est bien car ça fait parler du jeu. Certaines ont même un nombre conséquent de vues (à ce jour, en les additionnant Yûrei Station dépasse les 450 000 vues). On peut aussi observer les gens jouer (c'est utile pour corriger le gameplay) et lire les commentaires. On avait laissé planer le doute sur certains éléments de l'intrigue et c'était rigolo de voir toutes les interprétations possibles. On s'est aussi beaucoup amusés à collectionner les vignettes youtube dont certaines étaient vraiment extravagantes.
En revanche, en observant les statistiques, on a remarqué que cela influençait peu sur les téléchargements du jeu. Au début, on a même fait le calcul : moins de 3 % des vues youtube se convertissaient en vues sur la page de téléchargement du jeu. Peut-être que, dans le cas d'un jeu narratif et linéaire comme Yûrei Station, un let's play n'incite pas à y jouer mais, au contraire, donne l'impression d'avoir tout vu du jeu ?
On a eu toutefois d'excellentes surprises sur youtube : on a adoré ce let's play où deux filles font un incroyable travail de doublage, riche en émotion et qu'on aurait presque pu utiliser comme doublage officiel ! Il y a aussi celui-ci, enregistré par une expatriée qui vit au Japon et qui explique de manière très intéressante les aspects culturels du jeu. Et, cerise sur le gâteau, un Japonais a intégralement traduit le jeu dans sa vidéo !
Les gros sites
Petit à petit, comme le jeu faisait un peu parler de lui, il a fini par atterrir sur des sites connus. PC Gamer et Rock Paper Shotgun lui ont fait les honneurs de leurs rubriques « les meilleurs jeux gratuits de la semaine ». Cette fois, ça a donné envie à davantage de joueurs de tester le jeu. Et cela a fini en apothéose par un long article sur Kotaku qui, à lui seul, a généré plus de 10 000 téléchargements et a provoqué une nouvelle vague de vidéos et d'articles.
Bien entendu, pendant ce temps, on ne s'est pas tourné les pouces : il a fallu remercier ceux qui ont parlé du jeu, corriger quelques bugs, ajouter des traductions offertes par des joueurs, réaliser une bande-annonce, répondre à une longue interview en anglais ... On n'ose même pas imaginer la somme de travail qu'implique la sortie d'un vrai jeu !
Hier, Yûrei Station s'est retrouvé en page d'accueil d'itch.io. Peut-être pour quelques heures seulement mais, dans tous les cas, ça nous a fait plaisir. Et c'est une belle récompense pour les lycéens qui ont travaillé avec nous sur le jeu.
Observer l'information se propager était une expérience intéressante. Ça nous a aidé à mieux comprendre les mécanismes qui régissent l'information dans le monde du jeu vidéo indépendant. Cela nous fait nous poser des questions sur comment gérer la sortie d'un jeu.
Et vous, qu'en pensez-vous ? Faut-il le faire de manière professionnelle (mailing lists, dossiers de presse, stands hors de prix sur des salons, etc) ou existe-t-il des alternatives plus dans l'esprit indé ?
N'hésitez pas si vous avez des avis ou des conseils !
Fil d'actualités
Sommaire
- Partie 1 - Présentation d'Atelier Sento
- Partie 2 - Premiers pas et prototype
- Partie 3 - Souvenirs d'Okinawa
- Partie 4 - Présentation du moteur Wintermute
- Partie 5 - Gérer les acteurs dans Wintermute
- Partie 6 - Guider le personnage
- Partie 7 - La mise en place des décors
- Hors série - Les jours où ça n'avance pas !
- Partie 8 - L'enregistrement des sons
- Partie 9 - Les énigmes
- Partie 10 - Les musiques
- Partie 11 - Communiquer en s'amusant
- Partie 12 - Un jeu made in tout le monde
- Partie 13 - Dans 60 ans...
- Partie 14 - Le scénario
- Partie 15 - L'intégration des personnages
- Partie 16 - Le regard des joueurs
- Partie 17 - Les variables
- Partie 18 - La traduction anglaise
- Partie 19 - En route pour 2016
- Partie 20 - Un chat pas comme les autres
- Partie 21 - La gestion de l'inventaire
- Partie 22 - La création de cutscenes
- Partie 23 - Faire bêta-tester son jeu
- Partie 24 - Interview de Nick Preston
- Partie 25 - Interview de Thorn
- Partie 26 - Anatomie d'une scène : l'idée de départ
- Partie 27 - Anatomie d'une scène : l'énigme
- Partie 28 - Anatomie d'une scène : le croquis
- Partie 29 - Rencontre avec le studio Ernestine – 1ère partie
- Partie 30 - Rencontre avec le studio Ernestine – 2e partie
- Partie 31 - Du papier à l'écran
- Partie 32 - L'école des fantômes
- Partie 33 - Développer un jeu avec des lycéens
- Partie 34 - Faire connaître son jeu
- Partie 35 - Sur les routes de France
- Partie 36 - Éloge des gribouillis
- Partie 37 - Un jeu dessiné par des enfants
- Partie 38 - La naissance d'un projet
- Partie 39 - Mélanger 2D et 3D
- Partie 40 - Adventure Creator
- Partie 41 - Designer des personnages
- Partie 42 - The Doll Shop
- Partie 43 - Donner de la profondeur
- Partie 44 - Des personnages en kit
Comments
C'est vrai, quand on fait ça par les réseaux sociaux, il faut une patience infinie. Ça évolue très lentement (du moins pour nous).
L'avantage avec Yûrei Station, c'est qu'on a noté qui a écrit les articles sur le jeu et on les recontactera pour The Coral Cave.
Parce que mine de rien, trouver à qui envoyer son dossier de presse, c'est facile sur les sites à échelle humaine comme Indiemag. Mais sur les gros site, c'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin !
Là où ça reste difficile, c'est payer des stands sur des salons. Les prix sont hallucinants. Heureusement, là encore, les indés s'allient pour négocier des tarifs préférentiels. Et là, ça devient envisageable !
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