Bonjour Miki,
le problème des DRM est intéressant à étudier sous plusieurs angles.

Le premier aspect, et celui qui me semble le plus important est évidemment celui concernant la liberté de la vie privée.
Si vous ne les connaissez pas, je vous invite à écouter Benjamin Bayart et Jérémie Zimmermann qui évoquent le sujet avec billot.

Depuis quelques années, j'essaie donc en tant qu'utilisateur de boycotter ces systèmes de type DRM en privilégiant particulièrement GOG. Il m'est d'ailleurs assez désagréable de voir que certains jeux ne sont disponibles que sur Steam ou toute autre plate-forme à DRM.
Même humble bundle qui proposait à l'origine systématiquement des version sans DRM s'est fait embarqué là-dedans (comment aurait-on imaginé que l'intitulé d'un bundle serai justement le sans-DRM trahissant la normalisation des verrous numériques introduits partout ailleurs ?)

Ensuite, il faut tout de même prendre un peu de recule là dessus et se mettre dans la peau des autres acteurs :
- L'éditeur (ou celui qui cherche à vendre des produits) encouragera la pratique des DRM pour plusieurs raisons avec en tête le piratage, les statistiques sur les comportements des joueurs ou l'aspect communautaire.
Il peut d'ailleurs autant s'agir du possesseur du jeu en question tout comme le possesseur de la plate-forme (et aujourd'hui, même si Steam ou Uplay sont dans tous les collimateurs, Sony et Microsoft ou Nintendo sont loin d'être des enfants de cœurs).
Quoi qu'il en soit, même si l'on comprends les intérêts plus ou moins avoués de ces acteurs, leurs arguments sont contestables (je pourrai revenir dessus dans un autre poste si vous le souhaitez) et seul l'utilisateur devrait-être à même de choisir le modèle qu'il souhaite.
Il est d'ailleurs intéressant que GOG n'est pas complètement blanc à ce sujet car une bonne partie des joueurs lancerons le client Galaxy au démarrage de leur PC (je crois d'ailleurs que c'est configuré par défaut lors de l'installation du logiciel) et ne jouerons en fin de compte presque tout le temps en étant connecté (on ne peut-être certain de savoir ce qu'ils font de ces statistiques).

- Le développeur peut avoir d'autres points de vue. Il faut déjà se demander s'il s'agit d'un développeur pure ou également d'un éditeur. Souvent, l'on va penser à des grands acteurs tel que Ubisoft pour ceux qui ont les deux casquettes, mais en réalité, tous les réels studios indépendants sont également leurs propres éditeurs (On pourrai revenir sur le débat de qu'est-ce qu'un jeu et un studio indépendant, et justement, je pense que le terme en lui-même n'a pas de sens, on est dépendant ou indépendant par rapport à tel ou tel sujet).
Donc si l'on se place dans la peau du développeur pure, il n'a finalement rien à dire ou à faire sauf accepter d'être financé ou non par un éditeur qui lui impose ou non cette pratique.
Pour le second cas, il faut voir que ce n'est franchement pas toujours aussi simple qu'on le pense et particulièrement pour les petits studios indépendants (indépendants d'un éditeur ^^).
La plate-forme en elle-même (je vais me concentrer sur Steam qui a ses défauts comme ses qualités) est une étape indispensable dès lors que l'on souhaite vendre son jeu de façon à pouvoir en vivre. La plate-forme est tellement implantée dans le marché et les esprits des "consommateurs" que de la négliger rimerai avec faillite.
Ensuite, tout le monde n'a pas la possibilité de sortir son jeu sur toutes les plates-formes désirées ; et justement GOG est très stricte quand aux jeux acceptés, il n'est pas donné à tout le monde de pouvoir publier chez-eux.
Même si ça peut sembler difficile pour les petits développeurs, je trouve tout de même cette politique justifiée car cela permet de donner une image de qualité à la plate-forme et même si les débuts furent difficile, le catalogue de GOG n'a plus à rougir aujourd'hui.

Donc, pour revenir à mon point de vue, même si je n'y suis pas encore, je souhaite développer des jeux indépendants sans-DRM quitte à me faire pirater (et me faire connaître par des acteurs qui n'ont peut-être pas de pouvoir d'achat pour le moment) mais je sais que me passer de steam serait se tirer une balle dans le pied. Je penserai donc plutôt à proposer une version steam plus chère que les versions sans-DRM.
Je pense que le publique devrait déjà avoir systématiquement le choix d'acheter ses jeux sur une plate-forme avec ou sans-DRM, mais je pense qu'il est aussi très important que le publique soit sensibilisé à ces réels problèmes de vie privée qui vont d'ailleurs beaucoup plus loin que le simple jeu-vidéo et si justement le jeu-vidéo peut-être un premier pas qui permette au publique de s'y intéresser, c'est déjà super.

Voilà, je suis déjà très long, donc, je m'arrête là.

Plein de jeux sur steam sont DRM free, et c'est le développeur qui décide d'activer ou pas les DRM steam sur son jeu.

Ensuite tu dis que GOG n'est pas tout blanc dans cette histoire de DRM car plein de gens lancent GoG Galaxy pour jouer, euh WTF ??? Si les gens ont envie de lancer leurs jeux grâce à un logiciel facultatif, en quoi on peut le reprocher à GOG ?

En tant que je joueur, je suis personnellement un adepte du "DRM-Free" également (quitte à payer un jeu, je préfère l'acheter plutôt que de le louer ;)).

Du coté des créateurs, de toute façon, quel que soit le jeu et ses système de protection, il finira toujours par être piraté. Du coup, pour les indés, nombreux sont les créateurs (ceux de Hotline Miami par exemple) à avoir exprimé l'idée suivante : "plutôt que de gaspiller de l'argent dans un DRM, autant le dépenser pour améliorer le jeu".

Certains indés se servent même des réseaux de diffusion pirate pour faire leur "promo", à l'image de ce qu'avait fait les créateurs d'Anodyne il y a quelques années. Suite à la diffusion de leur jeu sur un site de torrent mondialement connu, ils étaient allés poster un commentaire sur le site en question en disant qu'ils comprenaient que certains n'avaient pas les moyens d'acheter leur jeu et ne s'opposaient pas à sa diffusion illicite. Mais que bien évidemment, leur seul moyen de continuer à créer des jeux est que ceux qui peuvent se le permettre l'achètent. Cela avait fait un joli buzz médiatique qui a contribué au succès commercial du jeu (qui est par ailleurs excellent).

Bref, de mon point de vue, les DRM "intrusifs" ça reste plutôt un truc réservé aux très gros studios qui investissent des millions dans leurs productions. Pour les indés, en dehors des DRM des magasins en ligne, autant miser sur le DRM free.

Du point de vue des développeurs indépendants, est-ce que cela est plus avantageux d'enlever les DRM?

(Je vais parler pour tout notre collectif -Simon)
Par expérience (ASA, Catyph sont DRM-free même sur Steam), je dirais que ça ne change absolument rien avec ou sans DRM.
DRM ? Les pirates y verront une bonne raison de casser la protection.
DRM free ? Nos jeux ont été piratés à partir de la version Steam, et mis sur le net avec un crack ! (alors qu'il est totalement inutile ce crack, on est d'accord. A part sans doute ajouter un virus à l'EXE !!)

Certains indés se servent des réseaux de diffusion pirate pour faire leur "promo"

C'est sans doute vrai que ça peut booster les ventes si cela crée un buzz (= gros coup de chance). Sinon ça ne fait rien du tout ! Les joueurs se servent, c'est gratos après tout.
Personnellement, j'ai offert mes jeux à pas mal de monde, et je préfère fonctionner sur la demande (un gars qui accepte de parler de mon jeu sur ses réseaux sociaux en échange d'une clé gratuite, pourquoi pas). Mais ce qui me dérange dans ce système, c'est que le développeur n'a aucun contrôle sur son propre jeu, ça ne lui fait presque aucune publicité. En cas de gros problème, impossible de retirer le jeu d'internet...

Pire encore :
Je trouve que ce qui est le plus ignoble dans l'histoire du piratage, ce n'est même pas la diffusion gratuite d'un jeu, c'est la récupération de clés Steam de manière frauduleuse pour les revendre sur certains sites. Dans un tel cas, DRM ou pas, le développeur est totalement perdant... Et ça arrive bien plus souvent qu'on le croit : les faux youtubers et faux journalistes qui prétendent apporter de la visibilité à un jeu sont légion, et bien armés. Ils ne font en fait que récupérer par la ruse des clés Steam gratuites pour les revendre et faire du profit (comme sur G2A).

Je n'ai jamais mis mes jeux en vente sur G2A, mais j'ai "offert" des clés Steam à des youtubers qui souhaitaient soi-disant faire des Let's Play, et dont je n'ai pas pu vérifier l'identité. Résultat, mes jeux sont sur ce site :

Catyph
ASA Remastered (en rupture de stock)

Et très peu de Let's Play d'ASA et Catyph au final (double pénalité pour le développeur).

N'achetez jamais sur ce genre de site ! Vous encouragez un système mafieux. Je préfère donner mes jeux gratuitement que d'accepter ça !
Avec un rapide calcul, on comprend que ces personnes se font énormément d'argent, même en vendant les jeux à un prix un peu moins élevé. C'est tout benef pour eux, ils n'ont rien produit. Le piratage c'est déjà du vol, mais ce système de revente, c'est pire que du vol.
- Un jeu vendu à 15€ sur G2A rapporte 15€ au fraudeur, qui vit dans un pays où il ne déclare pas ses revenus.
- Un jeu vendu à 15€ par le développeur sur Steam, rapporte au mieux 9,20€ au développeur (-30% Steam, -20% taxes), sans parler des frais de développement.

@the_icehouse : pour la question des clés, on utilise keymailer.co, ça permet d'être sûr que les gens qui te demandent une clé sont bien qui ils prétendent (le site permet de lier le compte steam et le fb/twitter/twitch, ce qui évite les usurpations d'identité). Quand on reçoit des démarchages direct par email, on renvoie sur ce site et, la plupart du temps, les demandes restent sans suite (on fait d'autant plus gaffe aux demandes de "quelques clés" pour des "concours").

Pour la répondre à la question des DRM, mon point de vue, c'est qu'en tant qu'indé, tes ressources sont limitées. Je préfère dépenser du temps et de l'énergie sur le jeu en lui-même plutôt que d'intégrer un DRM qui sera de toute façon cracké. En plus de ça, je suis persuadé que la plupart des joueurs réellement amateurs de jeux indés ont conscience que toutes les ventes comptent, et sont prêts à mettre la main au porte-monnaie pour rémunérer un projet auquel ils croient... Pour les autres, ils n'auraient de toute façon pas acheté le jeu.

Les marché gris type "G2A" sont bien pires que le piratage, parce quand ce n'est pas une CB volée (le studio est alors obligé de rembourser de sa poche le "charge-back"), c'est a minima une vente perdue et de l'argent qui s'envole... on ne sait pas trop où justement.

Il n y a qu emoi qui pense que les DRM et autres façons anti piratages est strictement inutile ?
Si quelqu'un veut pirater, il le fait, c'est facile, et ça emmerde les gens qui ont acheté le jeu (plusieurs exemples de problèmes avec des achats quand les version pirates marchaient mieux = certains ont même dit qu'ils allaient pirater le jeu pour avoir une copie correct)

De plus, j'en suis persuadé, quelqu'un qui pirate ne va pas forcément acheter le jeu s'il ne pouvait plus pirater. A l'inverse, quelqu'un qui pirate mais aime le jeu sera susceptible de l'acheter pour contribuer à la réussite de l'entreprise ou pour son plaisir personnel d'avoir une copie de quelque chose qu'il affectionne !

Les grandes entreprises aiment les DRM car l'argent appelle l'argent, mais cela reste complètement superflu à mon sens...

DRM-Free et multi-plateformes sont deux choses qui n'ont rien à voir, ce n'est pas parce qu'un jeu est DRM-Free qu'il sera multi-plateformes. Pour le coup, ça dépend juste de la volonté du développeur à fournir un build qui fonctionne ailleurs que sur la plateforme principale (Windows, sur PC, en général).

Et il y a bien des jeux DRM-Free sur Steam, dans le sens où une fois téléchargé, le fonctionnement jeu est indépendant de Steam lui-même et peut fonctionner sans.
Bastion est un exemple, une fois que tu as téléchargé le jeu sur Steam, tu peux déplacer le répertoire du jeu où tu veux, voir désinstaller Steam si tu le souhaite, le jeu continuera à fonctionner (en lançant via l'exécutable directement au lieu de passer par Steam).
La seule différence avec Gog (dans le cas des jeux DRM-Free sur Steam bien entendu), c'est que Steam t'oblige à installer et utiliser le client pour télécharger le jeu, alors que tu peux le faire directement via le site sur Gog ou Humble Bundle.
Mais il n'y a pas de DRM sur le jeu lui-même : une fois que tu t'es procuré les fichiers, tu es aussi libre de faire ce que tu souhaites de ces fichiers que s'ils venaient de Gog ou Humble Bundle.

Concernant la "promo" via les réseaux pirates, c'est plus une réponse à l'impossibilité de combattre le piratage (si les gros éditeurs n'y arrivent pas, ce n'est certainement pas un petit studio indé qui va y arriver) plutôt qu'une utilisation volontaire pour faire sa promo sur ce réseau.
Je ne pense pas qu'aucun studio de dev souhaite voir son jeu piraté (sinon, autant rendre le jeu gratuit, ou le mettre en PWYW comme les albums sur Bandcamp, où tu peux écouter sans payer, ou donner la somme que tu veux pour supporter le créateur et télécharger l'album), mais lorsqu'ils sont devant les faits, ils vont essayer de tourner ça à leur avantage plutôt que de s'engager dans une bataille qu'ils sont sûr de perdre.