Leviathan : The Last Day of the Decade est un jeu épisodique développé par le petit groupe indie russe Lostwood Games qui vient tout juste d’être accepté sur Greenlight. La saga s’obtient en intégralité sur PC ou iOS en anglais pour moins d’une dizaine d’euros, soit une bouchée de pain, et reste en cours de production pour le moment. C’est donc l’occasion idéale pour plonger dans les noires profondeurs de Leviathan…
Leviathan est un monde dystopique entre le cyberpunk et la dark fantasy, un monde cynique où la noblesse dirigeante est prise dans des conflits de pouvoir sans fin tandis que le bas peuple est rongé par une maladie mystérieuse qui se matérialise sous la forme d’un brouillard épais nommé décade qui recouvre la ville. La vie d’Oliver Vertran, un jeune noble, bascule de manière tragique au moment même de l’apparition du mal avec la mort sanglante de sa famille. N’étant encore qu’un enfant au moment des faits, il lui faudra attendre près de 10 ans pour qu’un indice vienne enfin à lui sous la forme de Kael, son ami d’enfance dont il s’était éloigné, et que démarre enfin sa quête de vérité. Sera-t-il prêt à affronter les terribles secrets que cache le monde impitoyable de Leviathan ? Si le premier épisode, disponible gratuitement sur le site officiel, se contente d’effleurer l’univers en présentant surtout Edna, le démon qui deviendra le familier d’Oliver tout au long de l’aventure, le potentiel de Leviathan se dévoile dès le deuxième épisode avec une trame scénaristique forte et prenante ainsi qu’une grande liberté d’exploration. L’univers est extrêmement fouillé, ce qui permet au joueur à la fois de se laisser guider ou de partir à la chasse aux indices pour essayer de grappiller des informations sur ce qui est arrivé à la famille d’Oliver et chaque révélation apportera encore davantage de questions et de mystères, forçant le joueur à se remuer les méninges.
Leviathan se présentant sous la forme d’un point & click, le gameplay est plutôt simple mais diablement efficace. Le héros possède un inventaire, un système de téléphone et peut interagir avec des éléments du décor ou des personnages à tout moment. Le reste du temps le joueur se voit confronté à un nombre impressionnant de choix qui vont modeler son expérience et changer le déroulement de l’intrigue, à la manière d’un visual novel. Ces choix sont souvent intéressants car il n’y a pas de bonne ou de mauvaise solution. Par exemple, Oliver est souvent confronté à la différence de traitement entre les nobles et les pauvres qui sont présentés comme des moins que rien qui méritent de crever la bouche ouverte. Il peut rester neutre ou devenir arrogant et les traiter de la même manière que ses compatriotes. De même, il peut se rapprocher des autres personnages de manière intéressée ou désintéressée en manipulant Kael, son ami d’enfance, ou en essayant de séduire Ruth Lautner, une bourgeoise prétentieuse mais incroyablement riche. Il y a également des phases d’interrogations relativement retorses aux passages-clefs de l’intrigue où il faudra répondre correctement pour éviter une bad end. On pourra simplement regretter le manque de sauvegardes qui ne permettent pas d’explorer toutes les branches de l’intrigue de manière optimale. En soi, Leviathan est vraiment très proche du système d’un Livre dont vous êtes le héros mais avec une ambiance graphique et sonore réellement majestueuse. Le jeu regorge de décors sublimes, rendus vivants par une très bonne utilisation des bruitages et de l’animation (on peut penser à l’invocation du démon ou au système de métro, par exemple), les personnages sont assez dynamiques aussi et l’ambiance est objectivement réussie. La bande-son n’est pas en reste pour autant, il n’y a qu’à écouter le générique, plutôt rock, pour en être convaincu.
La force de Leviathan repose dans son écriture et sa capacité à présenter un univers original, où la brutalité et le cynisme sont omniprésents, avec des thèmes forts et admirablement bien maîtrisés. Chaque personnage présenté possède différentes facettes, des conflits, des ambiguïtés, qui rend l’aventure bien plus intéressante qu’au premier abord. Il n’y a pas de méchant ou de gentil, seulement des histoires différentes qui se croisent au fil des circonstances. Ainsi le grand méchant pointé du doigt dès le prologue n’est jamais décrit par Oliver qu’en des termes positifs alors même qu’il devrait le détester. Et toute la tension de l’intrigue est placée dans leur relation compliquée où se mêlent à la fois le respect et la rancune. J’ai rarement vu un jeu vidéo développer ce type de lien entre le « méchant » (mentor ?) et le « gentil ». D’ailleurs Oliver est lui-même le pur produit des valeurs de la noblesse et il se retrouve un peu malgré lui à se battre contre un système entier, corrompu jusqu’à la moelle, tout en essayant de garder la tête froide alors qu’il est entouré d’éléments surnaturels. Dans sa quête de vérité, il est entouré de personnages qui affirment vouloir l’aider tout en étant incroyablement peu honnêtes. Kael, l’ami d’enfance, se retrouve vite avec un rôle prépondérant car il est victime d’une situation familiale compliquée et finit déchiré entre ses obligations et son affection démesurée pour Oliver (ce qu’on ne peut comprendre pleinement qu’en posant la bonne question à l’Arbre). Ruth, toute superficielle qu’elle paraît, semble parfois lucide sur sa situation toute somme précaire. Même Edna, le fidèle démon qui suit Oliver, a l’air de moins en moins fiable à mesure que l’on progresse, ce qui fait qu’on ne sait jamais trop à qui faire confiance.
Leviathan : The Last Day of the Decade est un jeu complètement atypique avec son ambiance artistique aussi belle que sombre, ses thèmes résolument matures et des relations complexes entre les personnages. Assortie d’un nombre de choix conséquent et une facilité d’exploration, la quête de vérité du héros fait réfléchir et se révèle extrêmement prenante. On regrette seulement le manque de publicité autour de la compagnie qui les contraint à développer les deux derniers épisodes au ralenti faute de financement. En espérant que la sortie sur Steam leur permette de conclure cette magnifique saga qui mérite vraiment d’être plus connue.
Leviathan se présente comme un jeu 18+ mais ça n’a rien à voir avec un contenu particulièrement choquant (à part un brin de nudité et de sang, il n’y a aucune image explicite). Lostwood Games étant russe d’origine, ils ont peur de la réprimande du gouvernement à cause d’un personnage homosexuel.
Nom du jeu : Leviathan : The Last Day of the Decade
Nom du(des) développeur(s) : Lostwood Games
Genre(s) : Point & Click
Support(s) : PC, iOS
Une description rapide : Dans cette histoire interactive, plongez au cœur d’une ville dystopique corrompue, déchirée par les conflits de pouvoir et un mal mystérieux qui ronge ses habitants.
Date de sortie : Août 2013
Ce jeu à l'air bien sympa, quoi qu'un peu trop dérangé à mon goût je pense ! Pour le coup, j'ai l'impression que c'est le genre de jeu qu'on adore ou qu'on n'aime pas, sans demi-mesure !
Merci pour le test, c'est toujours un plaisir de découvrir de nouveaux jeux !
Ps: Tu as écrit "cyberpunk" dans le test, mais de ce que j'ai vu sur Google image, j'ai l'impression que c'est plus du steampunk, qu'en penses-tu ? Car ça me fait plus penser à Dishonored (de loin bien sûr) qu'à Deus Ex !
De rien ! J’ai tendance à avoir des goûts très obscurs alors j’aime bien partager :3
Dérangé, je ne sais pas. Le jeu aborde des thèmes assez violents, c’est sûr, mais l’approche reste relativement classique. Tu as juste le choix de rendre ton héros bon ou mauvais (mais pas trop non plus sinon il t’arrive des bricoles :p).
Alors, concernant le choix des termes : si je m’en réfère à ce bon vieux Wikipédia, le steampunk est très lié à la révolution industrielle ou à l’époque victorienne, tandis que le cyberpunk est apparenté à la dystopie et aux technologies avancées. Or le monde de Leviathan est bien un monde dystopique très avancé technologiquement, j’ai donc décidé de coller à la description des créateurs (qui se définissent eux-mêmes cyberpunk). Aussi, il ne faut pas oublier que le brouillard, très présent sur les décors, est dû à la maladie funeste qui ronge la ville, ce n’est pas de la vapeur (ce qui peut amener la confusion, je suis bien d’accord).
Donc voilà, c’est mon argument, après c’est vrai que les développeurs ne veulent pas se restreindre à un seul genre, alors on peut facilement extrapoler
Träumendes Mädchen, EURL
Visual Novel & Romans interactifs
Oh!!! En voilà un jeu qui a l'air intéressant! En plus le 1er épisode est gratuit et la suite n'est pas chère... Je vais vite essayer le 1er épisode.
Concernant la dénomination Cyberpunk, si ils le disent les dév, ils le disent, mais le cyberpunk c'est Akira ou Gunnm côté manga, Métal Hurlant chez nous, Blade Runner au cinéma.... Du coup, j'ai du mal à voir le côté cyberpunk dans les trailers que je j'ai regardé de ce Leviathan... Il faut quand même que le "cyber" soit largement représenté pour appelé du cyberpunk non? ça n'a pas l'air 'être trop le cas. L'imagerie fait en effet davantage penser à du Steampunk très très dark... mmmmh...c'est compliqué... Autant appeler un trip graphique punk assez barré...? En tout cas, j'aime beaucoup la DA et c'est bien ça le principal.
"Voler est d'une simplicité biblique, si tu ne sais pas comment t'y prendre. C'est le truc important : ne pas être du tout sûr de savoir comment on s'y prend"
Alors, autant le jeu ne me branche pas du tout (j'ai un peu de mal avec la D.A.), autant le test est super ! Si tu le souhaites, je le publie pour Samedi
[img]http://www.indiemag.fr/sites/default/files/Forum/bandeau_forum.jpg[/img]
Work in progress. The whole time.
john_moogle => Je suis d’accord que l’imagerie fait très steampunk et que l’architecture comme les vêtements sèment le doute, c’est pour ça que c’est pas évident. J’ai préféré suivre la définition des créateurs mais eux-mêmes ont l’air d’avoir du mal (ils considèrent Leviathan très proche du visual novel, par exemple) donc toute interprétation est permise XD.
Je serais curieuse d’avoir des retours car peu de gens connaissent ce jeu et ça fait toujours plaisir d’avoir des avis différents =).
At0mium => Y a pas de problème, ça me va ;).
Träumendes Mädchen, EURL
Visual Novel & Romans interactifs
Toujours est-il que peu importe comment on la qualifie, on peut pas reprocher à la direction artistique de manquer d'audace, c'est assez atypique je trouve !
Et le fait d'avoir le premier épisode gratuitement c'est un bon point, niveau marketing, c'est indéniable, je m'y essayerai quand j'aurai le temps !