Deux ans après Papers, Please, le jeu vidéo teinté de politique a fait des petits. Cette fois-ci, ce sont les Suédois de Double zero one zero qui proposent un jeu autour du thème de la censure de la presse, The Westport Independant. Si la recette avait bien fonctionné pour le premier, comme un bon ragoût le plat est-il meilleur réchauffé?
Dans un pays fictif répondant au doux nom de Westport, le gouvernement s'apprête à appliquer une loi visant à contrôler la presse dans le but d'informer au mieux les citoyens en supprimant tout ce qui sera considéré comme faux dans les journaux. Après visionnage d'un communiqué officiel du parti des Loyalists expliquant les règles de la censure à venir, nous voilà chef de rédaction d'un petit journal, le bien nommé The Westport Independant. Pendant les 12 semaines qui nous séparent de l'application du nouveau décret, il nous faudra assurer la rédaction de notre hebdomadaire, en profitant si bon nous semble de ces derniers instants de liberté pour afficher clairement notre opposition au gouvernement.
Le système de jeu est rudimentaire mais efficace : quelques articles nous sont proposés chaque semaine, traitant de faits divers aussi bien que de la crise économique en vigueur ou de la lutte politique entre les rebelles et les Loyalists. Selon le ton que l'on veut donner à notre prochaine parution, il nous est possible d'une part de censurer ces articles afin que certaines lignes n'apparaissent pas dans le contenu final, d'autre part de choisir entre deux versions le titre du papier. Une fois sélectionnés et potentiellement remaniés, ces articles doivent être confiés à un de nos quatre journalistes. Deux d'entre eux sont à tendance Loyalists, deux autres rebelles, contraignant ainsi le rédacteur que nous sommes à dispatcher nos sujets en fonction des affinités de chacun, au risque d'essuyer un refus de l'un de nos collaborateurs si le thème ne sied pas à ses convictions politiques.
Si le système est à priori bien pensé, on déchante vite lorsque l'on remarque que face à un refus d'une de nos plumes il est nous est tout simplement permis de passer en force et de l'obliger à s'occuper tout de même de l'article sans qu'il n'y ait de réelles répercussions, excepté un départ prématuré d'un de nos compagnons si on la joue vraiment dictateur érudit. Une fois nos articles choisis, on procède à la mise en page puis à la distribution de nos rouleaux que l'on peut répartir entre les quatre quartiers de la ville selon les intérêts de chacun, les uns préférant les thématiques industrielles ou sociétales, les autres les affaires criminelles ou people. Selon nos choix, l'opinion du peuple penchera alors de semaine en semaine vers un camp ou l'autre, attirant ou non la suspicion du parti sur nos frêles épaules. Un journal ouvertement pro-rebelle sera fermé en quelques semaines par le gouvernement, tandis que des propos chantant les louanges du parti pourra être menacé par des attaques rebelles.
Au milieu de tout ça, il faut donc survivre douze semaines en s'accommodant des contraintes du parti tout en ne reniant pas ses propres convictions. Si sur le papier l'idée est intéressante, en pratique elle l'est beaucoup moins. Dès le départ les camps sont clairement identifiés : d'un côté le méchant gouvernement qui censure les média et se sert au passage dans les caisses publiques, de l'autre les gentils travailleurs rebelles dont l'insurrection est réprimée dans le sang par le parti tyrannique. D'ailleurs le titre même du jeu annonce clairement l'attitude à adopter... Tout l'intérêt du jeu, à savoir s'interroger sur notre positionnement dans une telle situation, est donc balayé d'entrée par un manque de finesse regrettable dans le traitement des enjeux d'une telle thématique.
On peut aussi regretter de n'être jamais directement impliqué dans les répercussions de nos choix éditoriaux, observant de haut nos petites mains se faire taper sur les doigts à notre place. Si nos journalistes peuvent être emprisonnés pour avoir critiqué le gouvernement, on peut tout à fait considérer que terminer le jeu avec deux journalistes emprisonnés pour avoir affirmé leurs idées amenant ainsi l'opinion populaire à être très fortement en faveur des rebelles est une victoire, alors que faire mourir de faim et de froid sa famille au bout d'une semaine dans Papers, Please pour avoir laissé passer tout le monde à la frontière ne peut que difficilement être pris pour un succès, même si dans les deux cas il s'agit d'être fidèle à des idéaux. Au-delà de ça, le manque de difficulté du jeu est lui aussi regrettable. Dès la première run il ne vous sera pas difficile de passer les 12 semaines en réussissant à soulever l'insurrection sans censurer aucun article ni être condamné par les Loyalists. Pouvoir terminer le jeu du premier coup en publiant des articles politiques sans jamais avoir à recourir à la censure alors même qu'il s'agit du levier principal du jeu est tristement révélateur de l'échec de ce projet.
Pétri de bonnes idées et de bonnes intentions, The Westport Independant n'atteint pas ses ambitions. Le manque de finesse dans l'écriture des enjeux autour des problématiques de censure et de liberté d'expression l'empêchent de nous toucher comme il aurait souhaité le faire, transformant un jeu qui aurait pu revêtir un message politique en jeu de gestion de faible niveau. Bien que la rejouabilité soit au rendez-vous, la cinquantaine de minutes nécessaires au déroulement d'une partie devrait probablement suffire aux quelques curieux d'entre vous qui profiteront de soldes pour s'essayer à ce jeu pas inintéressant qui fait tout de même sensation actuellement.
N.B : Disponible sur PC, Mac, Linux, iOs et Android, le jeu est entièrement en anglais
Fiche de jeu
Nom du jeu : The Westport Independant
Nom du développeur : Double Zero One Zero
Supports : PC, Mac, iOS, Android
Description : Hors catégorie
Date de sortie : 21 janvier 2016
Merci pour la découverte, je n'avais jamais entendu parler de ce jeu auparavant.
Si ce genre t'intéresse Berozz regarde du côté de Papers, Please si tu l'as pas fait, il en vaut vraiment la peine et se trouve pour une bouchée de pain en soldes