Annoncé par un trailer au début de l'année 2016 mais en gestation pendant 2 ans de plus au sein du jeune studio Reikon Games, Ruiner intriguait. Il faut dire qu'avec son look rétro tout en néon, son perso principal Badass avec casque intégral et blouson de cuir, et quelques extraits promettant un top down shooter vénère, le petit dernier de chez Devolver avait de quoi aguicher les vieux briscards élevés au Cobra de Stallone et aux Animes d'Otomo. Une communication impeccable, tant les teasers de l'E3 2017, et les premières minutes manette en main à la Gamescom ont pu confirmer les attentes placées en lui. Toutefois, restons sur nos gardes. Après tout, les jaquettes et bandes annonces de nos bouzasses d'antan nous ont aussi fait saliver.
"Tu es à HEAVEN.Tu es ici pour tuer le BOSS". Le ton est donné. Pas de fioritures, de ronds de jambes, de préludes interminables. Non. Ruiner vous plonge direct dans le bain de sang. Vous vous réveillez casque de motard OLED vissé sur le crâne, anonyme et amnésique, guidé par une hackeuse ayant vite pris possession de vos oreilles, vous intimant d'exécuter votre sale besogne. Là encore le programme est clair : 1) Trouver votre frère.2) Liquider tous ceux qui vous en empêcheront. On commencerait presque comme un classique du JRPG si tout cela ne laissait pas place à un top down shooter plus occidental, délaissant la plongée zénithale souvent d'usage pour une vue isométrique gagnant automatiquement en profondeur. Armé d'une barre de fer, le tuto vous présente la base d'un gameplay ultra nerveux, efficace et carré, composé de Dashs et/ou téléportations multiples aux quatre coins de la map.
Boss rush ponctué par d'innombrables arènes à nettoyer, on ne peut lui reprocher l'efficacité de ses mécaniques. Et pour cause, ces dernières n'ont rien de novatrices, rien de révolutionnaires, déjà vues pour la plupart chez d'autres poids lourds du genre (Hotline Miami, Mr. Shifty, Hyper Light Drifter pour ne pas les citer). Il faut dire que malgré sa naissance en 2014, Reikon Games est en partie constitué d'anciens vieux loups de mer de chez CD Projeckt (Papas de la Saga Witcher), apportant au titre un gameplay jouissif et fignolé surtout lors des phases de corps à corps. Batte en feu ou shotgun ? Dans ce topic qui trouverait bien sa place en forum nous avons fait notre choix, préférant de loin la patate de forain au tir de blaster. Il vous faudra toutefois varier les plaisirs. Là où Hotline Miami demandait une re jouabilité afin de maitriser des paterns précis, quitte à attendre derrière un mur certains déplacements, Ruiner se base sur le mouvement et l'improvisation. Restez dans un coin, et c'est le Game Over assuré. On se rapproche plus en cela de mécaniques liées au Fast FPS comme le récent reboot de Doom, faites d'esquives et de réflexes, tant on sent la volonté de punir le moindre arrêt au stand, la moindre passivité.
Mais pas de panique, de multiples capacités à débloquer vont s'offrir à vous grâce à une monnaie des plus spirituelles appelée Karma. Un arbre de talents classique, ne mettant pas l'accent sur la force ou la vie, mais débloquant bien de nouvelles capacités apportant lors de situations délicates, des options bienvenues pour envoyer tout ce beau monde en enfer. On pourra ainsi débloquer chronologiquement un bouclier temporaire, un stun, une régénération à la volée, le tout régie par une barre de vie et d'énergie, qu'il s'agira de recharger fréquemment, dans les régulières bornes prévues à cet effet, ou directement sur les dépouilles de vos adversaires. Notons également que malgré ces aides déblocables au fur et à mesure, le jeu propose une courbe de difficulté honorable. Si l'on peut regretter que celle-ci n'aille pas réellement crescendo, le joueur pouvant quasiment marcher sur les boss finaux, Ruiner propose un challenge par moments relevé et ce dès le mode normal. Ajoutez à ça un arsenal classique mais complet et une maniabilité possible aussi bien clavier souris (à privilégier) qu'au pad, et vous obtenez le défouloir idéal pour tout gros bovin qui se respecte. Déjà bien galvanisé par une bagarre de qualité, la BO en remet une couche à base d’électro accrocheuse et bourrine.
Alors oui tout ça sentait bon la bonne pioche. Mais comme nous l'indiquions plus haut, la force des teasers et autres hands on réside dans leur brièveté. Voir deux trois citations K. Dickienne, un design rappelant Akira ou un héros entre Daft Punk et le motard d'Under The skin ça file le sourire en coin. Mais qu'en est-il pendant 10h de jeu ? Malheureusement le charme n'opère plus. Ruiner surfe beaucoup trop sur la vague actuelle de la nostalgie 80's sans parvenir à se créer une singularité, une identité propre. Tout son univers rappelle d'autres œuvres malheureusement pour lui bien supérieures, entrées dans la postérité il y a des lustres. Passé 30 min, on arrête le jeu du Qui Est-ce, tant les références à Blade Runner, Ghost in the shell, ou autre Matrix pleuvent. Loin de nous l'idée de condamner violemment la démarche de Reikon. Le chara design soigné, l'importance donnée aux cut scenes, la qualité des dessins... Tout sent le travail de véritables passionnés voulant faire pour le mieux. Malheureusement, cette qualité ressentie dans les cut scenes ne se ressent pas le jeu repris, la faute à une perspective intrinsèquement éloignée des protagonistes et à une mauvaise digestion des influences. On passe d'illustrations connotées Manga, à des phases de jeux rappelant le Cell Shading d'un Crackdown... Curieux mélange des genres. À force d'ajouter des ingrédients, la sauce n'a plus de cohérence, de corps. On se retrouve dans un univers cyberpunk no name, comme généré aléatoirement.
Cette impression de déjà-vu 1000 fois, de lassitude, provient également du rythme même du jeu et de son level design. Certes Ruiner est un boss rush, mais il se hisse d'emblée dans la catégorie poids lourds en terme de répétitivité. Au programme, des couloirs INTERMINABLES à en faire pâlir les traumatisés de F.F. XIII, un level design des arènes en mode bis repetita globalement composé de quatre murs, de barils rouges et basta, et surtout, une direction artistique unilatérale, comme un CD rayé, composée de métal, tuyaux et câbles éclairés par des néons changeant, par moments, de couleurs. Une autoroute énervée à 200 à l'heure sans variation de rythme ou de décors. Le paroxysme de cette assertion se situant dans le dernier tiers du jeu, où l'on se retrouve pendant parfois plus de 30 min, dans des couloirs d'un mètre de largeur, à cramer des hordes de zombies random bien ordonnées, à la queulele, comme si on passait l'aspirateur dans un nettoyage de printemps. Bref, ajoutez toute la nervosité que vous voulez au gameplay, tous les boss et arènes du monde, l'ennui pointe le bout de son blair passées 5h.
Alors en dehors du gameplay, à quoi se rattacher ? Et bien pas grand chose malheureusement. Passé la zone tuto décrite précédemment on pense voir une nouveauté, un rayon de soleil dans cette Renghok Sud, ville en sorte de Hub central promesse de 1001 folles aventures variées. Que neni. Juste une étape avant la grande ligne droite. Quant au script, d'aucuns y verront un revenge game radical, d'autres un nanar sans grande subtilité avec des gueules fortes en cut scene certes, mais quasi toutes similaires à défoncer manettes en main. La faute à une IA trop systématique, trop machinale, voulant, à part quelques exceptions (Les Exo Mercs) vous refaire la soupape le plus rapidement possible en fonçant tête baissée. Les rares incursions du jeu dans d'autres territoires sont là encore des pétards mouillés. Notre sourire de gosse à la mention d'une moto tunée et d'un transport sur rails à piloter disparait bien vite quand apparaissent, au mieux un QTE dégueu faisant passer la balade à moto de Resident Evil 6 pour un sommet du JV, au pire une cinématique cachant le temps de chargement. Peu nombreux, ces maquillages mal gaulés font tache, surtout quand un jeu pourtant plutôt simple se permet de ramouiller quand trop d'éléments apparaissent à l'écran. Tentez d'enchainer deux AOE et un déplacement rapide, et le framerate s'emballe. Pire, certains boss frôlent l'apoplexie lorsqu'ils se retrouvent hors cadre, restant tout simplement au piquet comme un élève puni. Il vous suffira alors d'arroser la pièce de balles perdues, de repérer le bon axe de tir, de vider votre chargeur et la barre de vie de l'adversaire par la même occasion. Bref de la poudre aux yeux inutile, dans un jeu où la science du gameplay a bien du mal à faire oublier tout le reste. Malgré une difficulté bien calibrée dès le mode normal, dur de retourner dans l'arène passée la première run, d'autant que Ruiner ne propose aucun autre mode que le mode histoire solo. Dommage, pour jeu dont les mécaniques auraient fait des ravages en multi.
Adepte de la finesse et du renouveau, passe ton chemin.Ruiner rappelle ces soirs de dèche rentré brocouille du Video Futur, un Steven Seagal sous le bras. On sait que c'est pas terrible, que ça copie 1000 œuvres plus singulières et réussies, et que la connerie y est abyssale à chaque instant. Mais est ce que cela va nous empêcher d'y trouver un plaisir régressif ? Nous serions tentés de répondre non, mais en connaissance de cause. Répétitif jusqu'à plus soif, sans grande variation de DA passés son chara design soigné et sa BO efficace, il séduit toutefois par son gameplay carré, particulièrement brutal. Une série B 80's sympatoche, à réserver exclusivement aux cancres bourrins du fond de la classe en manque de défouloir crasseux.
Supports : PC (Gratuit Epic Game Store du 7 au 14 Novembre) ou 19,99 eur ; PS4 ; Xbox One